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Arsys-Bourgogne : Dynasty

Sous l'ancien régime faire de la musique est la plupart du temps une affaire de famille, et si un de ses membres atteint la notoriété, c'est bien le bout du monde. Mais dans ce cas, le talent est bien héréditaire ; et tout au long de deux siècles, des Bach musiciens composent des œuvres religieuses de qualité. En outre, le choix des pièces présentées d'une façon chronologique permet de cerner le développement d'un style allemand luthérien, et un récitant qui se met dans la peau d'un petit-fils du Cantor de Leipzig donne ainsi au spectacle un aspect bon enfant, en nous donnant l'impression de faire partie de la famille.

Comme pour démontrer que le pilier principal de l'édifice est précisément Johann Sebastian, des chorals harmonisés par ce dernier jalonnent le concert, choisis en fonction de leur relation avec le sens des motets composés par les autres membres de la lignée. Ceux-ci sont interprétés par la Schola cantorum renforcée par Arsys Bourgogne ; d'ailleurs on peut regretter que la présence de cette chorale soit si discrète, car si cette vieille institution dijonnaise était devenue un peu poussiéreuse, elle semble repartir d'un bon pied. Le travail effectué par Xavier Le Diagon est rigoureux, et par là même convaincant.

L'interprétation des autres œuvres de la famille Bach par l'ensemble Arsys Bourgogne, accompagné au continuo par les musiciens du Concert lorrain est absolument superbe. semble avoir beaucoup à dire dans ce genre de répertoire : il en fait admirablement ressortir la religiosité tantôt grave et inquiète, tantôt confiante et sereine. Le texte est servi par une articulation sans défaut de la langue de Luther : même lorsque le contrepoint est serré, les paroles sont compréhensibles. L'équilibre entre les pupitres s'établit sur des basses solides et les voix d'altos et de hautes-contre donnent une note chaude. Les sopranos s'affirment au cours du concert, et atteignent une belle pureté dans les deux motets homonymes de Jean-Sébastien et de son fils : Wachet auf, ruft uns die Stimme. Le chœur ne démérite pas dans les passages virtuoses en évoquant la joie du chrétien dans Lieber Herr Gott et il imite efficacement les cuivres au début du motet de Johann Christoph.

Il est amusant de constater que les codes d'expressivité sont un peu les mêmes dans ces œuvres dont la chronologie s'étend sur près de deux siècles ; ainsi le thème de la mort est exprimé par des graves, ou par du chromatisme comme dans Bitten, et il s'oppose à la béatitude souvent symbolisée par un choral chanté par les sopranos. Les oppositions baroques nous sautent à l'oreille : ainsi Gute Nacht, dans Jesu, meine Freude, nous conduit dans un au-delà espéré alors qu'auparavant Trotz nous avait rappelé avec brutalité les tentations sataniques.

L'écriture de Jean-Sébastien semble résumer celle de ses ancêtres, comme par une sorte de piété filiale… Ainsi le motet le plus ancien, celui de Johann Bach, annonce l'harmonisation des chorals de son petit-neveu. Dans Fürchte dich nicht, un choral chanté par les sopranos semble planer sur la lutte contrapuntique des trois voix inférieures, le tout reposant sur une basse obstinée. Cela ne serait-il pas une sorte de modèle du chœur d'introduction de la Passion selon saint Matthieu ?

Nous avons bien ressenti que le fil conducteur de ce concert c'est la foi («Sola fides», aurait dit Luther) : il serpente avec certitude à travers une écriture foisonnante que musiciens et chanteurs savent pourtant rendre évidente. Cette naïveté, expression d'une vive croyance, nous soulève et nous porte parce qu'elle est authentique.

Crédit photographique : © DR

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