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Abdel Rahman El Bacha, un récital de Maître


Faut- il encore présenter après autant d'années passées au service de la Musique et des Arts et de succès sur les plus grandes scènes du monde ? Dans le cadre des Moments Musicaux de Notre Dame (L'incontournable rendez- vous dominical de la cité Phocéenne où se produit l'élite des solistes que l'Opéra de Marseille boude étrangement), les privilégiés présents se sont délectés d'entendre du très beau piano sous les doigts d'un artiste qui appartient véritablement à la crème des interprètes. Souvent cité pour ses affinités profondes avec Chopin et le répertoire romantique, El Bacha n'hésite pas à (re)visiter avec brio des joyaux délaissés au détriment d'œuvres plus classiques voire parfois «standardisées».

La Sonate n°14 de Mozart débute pourtant par un Molto Allegro dépouillé, plus lumineux que marqué par une réelle inquiétude. L'implacable précision digitale se fait l'écho d'une clarté d'exécution quasi minimaliste. Il faut attendre l'Adagio pour pénétrer une tout autre dimension interprétative ; Inventif sans forcer les nuances, le pianiste libanais laisse éclater un lyrisme et un sens du phrasé digne des autres Lupu, Zimerman, Perrahia… Joué avec un minimum de pédale forte, le final insuffle avant l'heure une fougue impériale quasi beethovénienne.

Place ensuite aux Miroirs ravéliens dont le pianisme reste évocateur à souhait. Chaque pièce est abordée avec poésie et imagination. Avec délicatesse aussi à l'image des Oiseaux tristes d'où émergent des couleurs délicatement floutées, ou avec ferveur et passion dans La vallée des cloches. Celui-ci esquisse une de ces ambiances planantes où toute notion de temps devient abstraite.

Rarement jouées en concert, (éclipsées il est vrai par le succès des Variations Corelli), quelques fois gravées au disque, les Variations sur un thème de Chopin constituent, comme nous le dit l'artiste lui- même, un «condensé» de toute l'œuvre de Rachmaninov. Sans avoir techniquement rien à envier à un Lugansky, l'un des spécialistes du genre, El Bacha parvient à un équilibre idéal des deux mains et n'alourdit jamais le texte. Aucun artifice ni de tendance «pyromane» ne viennent ainsi entraver la progression mélodique.

Deux bis généreux pour clore le récital joué sans interruption. Trois mélodies de sa composition, modestement qualifiées d'»enfantines» puis une retranscription redoutable par Rachmaninov du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn. Une nouvelle démonstration qui conclue en beauté un concert d'exception.

Crédit photographique © Mitsuta

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