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Le Parc d’Angelin Preljocaj, ou les jeux de l’amour

Quinze ans après sa création pour le Ballet de l'Opéra de Paris, Le Parc d' est devenu un classique indémodable, donné pour la sixième fois par la compagnie !

Dans un décor paysager se jaugent et se rencontrent, en trois actes, des garçons et des filles dans les jeux de l'amour et du hasard. Des premières approches à l'abandon final, le chorégraphe a recherché l'inspiration dans la littérature française des XVIIe et XVIIIe siècles. Florilège des comportements amoureux, du plus pudique au plus libertin, le ballet dessine avec intelligence une carte du tendre d'où la vertu n'est pas absente. La rigueur du décor et la virtuosité de la musique ne sont pas non plus pour rien dans cette subtile alchimie entre le devoir et la passion.

Dans le premier acte, où les représentants des deux sexes s'observent, l'écriture chorégraphique maîtrisée et architecturée est d'une redoutable efficacité. Avec malice et espièglerie, le chorégraphe s'appuie sur les danses de cour (allemandes, menuets…) pour esquisser des tentatives d'approche, tout en restant d'une parfaite modernité. Ces enfantillages (cache-cache, chaises musicales…) sont interprétés avec maturité par des danseurs à la forte personnalité.

Après les redingotes et les catogans du premier acte, ces jeunes filles plaisantent et tournent de l'œil en robes à panier dans le second. Serait-ce le corset, qui les serre trop, ou des émois qu'elles ne maîtrisent pas ? Il y a beaucoup de charme et de délicatesse dans cette évocation du désir, dans laquelle chaque couple a de l'importance. La distribution, remarquable et équilibrée, fait tout le sel du ballet, de la première à la dernière entrée. Dans le travail au cordeau et d'une grande sensibilité des danseurs tout au long du ballet, on sent la « patte » de , créateur du rôle principal en 1994 et maître de ballet de cette production. Il semble s'être tout particulièrement investi dans la transmission du rôle à , étoile du .

Pour , brune au visage grave qui incarne ce rôle pour la première fois, la rencontre au premier acte avec son partenaire est amère et intranquille. Pourquoi ? Le spectateur dispose d'un élément de réponse dans le second acte. A l'aube d'un amour naissant, , digne héritière d', créatrice du rôle en 1994, est une jeune femme souffrante et passionnée. Dans le pas de deux du second acte, elle reste inflexible, tandis que , consumé par le désir, la laisse s'éloigner. L'adage du troisième acte, sur l'andantino du Concerto pour piano n°15, est sans conteste le point d'orgue du spectacle. Une magistrale et ténébreuse étreinte où se lit la vie et l'amour d'une femme et d'un homme. Delphine Moussin y est exceptionnelle de passion retenue face à un plus intériorisé.

Crédits photographiques : Delphine Moussin et Yann Bridard dans Le Parc © Laurent Philippe

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