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Denis Dufour, des musiques à écouter avec le corps

Festival Présences électroniques 2009

Pour sa cinquième édition, le Festival Présences électronique 2009 de Radio France et du GRM investissait les locaux fraîchement inaugurés du Centquatre, l'espace idoine pour cette manifestation gratuite et un rien déjantée. Souvent très forts en décibels, les concerts pouvaient être appréciés, suivant l'heure et le lieu, couché, dans le noir ou encore sagement assis et dans des conditions d'écoute optimisées par l'acousmonium – l'orchestre de hauts parleurs – dont le GRM (Groupe de Recherches Musicales) avait équipé chaque lieu de diffusion.

Lors du concert «dans le noir» de 18 heures, ce samedi 14 mars, nous entendions deux œuvres sur support de , l'une des plus grandes figures du monde électroacoustique qui dispense aujourd'hui son savoir-faire et ses dons de pédagogue au CRR de Paris.

Une reprise tout d'abord avec Lux Tenebrae (1997), une pièce très dense et monolithique «à écouter avec le corps» précise le compositeur. Il la conçoit pour les Acousma-raves de Perpignan et, pour la circonstance, joue avec obstination et sur le mode de la transe avec le continuum rythmique et le pouvoir hypnotique du son : une expérience d'écoute ici limitée dans le temps – une petite demi-heure – pour se laisser porter par le son et envahir de ses vibrations.

La deuxième pièce en création mondiale Augenlicht, interprétée par le virtuose de la console de projection , est le fruit d'une subtile collaboration entre , aux commandes de la machine, et Thomas Brando gorgeant le geste compositionnel des ressorts de son imaginaire. Charriant avec une certaine brutalité les matériaux les plus hétérogènes – du bris de verre explosif à l'arabesque colorature d'une voix féminine – l'œuvre se construit sur une «boucle» obsédante entretenant la tension de l'écoute et l'intensité tragique de cet itinéraire aux résonances mahlériennes.

Le concert de 20 heures mêlait de manière un peu étrange l'œuvre acousmatique de Christine Groult, Etincelles (2005) – superbe travail sur les éclats multiples et résonants de la cloche soumis au prisme déformant du travail de studio – et les performances moins jubilatoires de cinq artistes livrant avec une froide maîtrise leur expérience de «live électronique». Force est ici de constater que la notion d'interprète tend à disparaître au profit du concepteur revendiquant une approche expérimentale du son.

Provocatrice sans doute – son attitude tout comme la stridence des vagues sinusoïdales en ont dérangé plus d'un ! – la japonaise Sachiko M joue avec le temps et nos nerfs en manipulant avec une extrême parcimonie les signaux tests du «sampleur». Plus convaincant, le pianiste Cor Fuhler s'attaque aux cordes de son instrument qu'il fait résonner au contact d'objets/machines très sophistiqués. Mais on préféra Erikm et sa belle prestance scénique ramenant un peu de folie en fin de concert. Le «platiniste» virtuose avait convié à ses côtés son complice allemand FM Einheit, metteur en scène, producteur et compositeur. Monopolisant peu à peu la vedette, ce «performer» tous azimuts concassant des blocs de brique sur une plaque résonante improvisait un contrepoint inouï qui rappela les happenings délirants – sans le confort moderne de l'électronique – d'un Daniel Humair improvisant avec dans les années 80 du siècle dernier !

Crédit photographique : – DR

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