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Des mots que les voix et le vent emportent

Dialogos

Nous vous avions parlé du CD que vient de sortir le label Ambronay sur des Polyphonies françaises et anglaises de l'an mil, interprétées par l'ensemble a capella de voix féminines Dialogos. Son lancement officiel, c'est fait samedi en l'église Saint Séverin à Paris où nous avons été conviés à découvrir ces voix envoûtantes, en des lieux qui les portent. Ce concert a été dédié à la mémoire de Michel Berstein, éditeur de disques qui fut à l'origine de ce projet et auquel Katarina Livljanić a rendu un vibrant hommage.

Ces polyphonies de l'an mil, se construisent sur des textes dont la poésie faite d'une spiritualité sensible au monde, veut par le chant exprimer la splendeur d'un monde céleste, où l'harmonie des sphères libère des souffrances, et est promesse d'un monde où tout ne serait qu'amour. Musique savante, le chant liturgique devait exprimer dans sa transcendance la voix des anges et rendre perceptible la beauté absolue du monde divin.

Ce soir sous les voûtes gothiques de l'église St Séverin, comme au disque d'ailleurs, ce fut le cas. Mais le plus surprenant, c'est que ces voix féminines de l' ne sont pas éthérées. À la manière de voix lyriques divines, mais qui seraient charnelles et sensuelles, elles sont si humaines dans leur présence. Leurs couleurs semblables à celles des vitraux nous offrent à pressentir ce monde à la flamboyance hypnotique, tout en jouant de la pénombre de leur timbre comme de celle des lieux répondant aux zones d'ombres de l'âme humaine

Elles nous racontent l'histoire tragique des compositeurs qui firent de ces musiques des chefs-d'œuvre d'orfèvrerie d'un chant aux notations complexes. Des hommes capables de tuer pour en être les maîtres absolus. Ces chants qui pourraient nous sembler inaccessibles se révèlent à nous, étonnements modernes et proches, grâce aux talents de l' dirigé avec beaucoup de délicatesse par Katarina Livljanić.

Les interprètent dialoguent entre elles, avec une réelle complicité et virtuosité, improvisant avec sensibilité des lignes de chant, qui pour parvenir à s'élever doivent libérer les souffrances de la vie humaine, en se nouant et s'enlaçant comme ce pilier gothique, en forme de palmier se trouvant dans le fond du chœur de l'église St Séverin. Elles irradient ainsi, pour mieux s'évader vers la joie et plénitude d'un monde qui tôt ou tard libère de l'éphémère.

C'est après un Christus natus au swing endiablé qu'un public venu nombreux (et parfois très jeune), montra son enthousiasme en ovationnant les interprètes démontrant que cette musique aux notations mathématiques parle plus que jamais à nos cœurs et à nos émotions.

Crédit photographique : photo © DR

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