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Giulio Caccini, l’Opéra en sa radieuse naissance

On ne peut que saluer l'audace de la jeunesse dans cet album. Jeunesse de l'œuvre, première au CD, jeunesse des interprètes qui défendent avec ardeur une partition que tout amateur d'opéra aura hâte de découvrir.

Que n'a t'on dit sur cette musique qui privilégie le texte et serait austère, archaïque et sèche ? C'est tout le contraire, avec des chanteurs aux voix naturelles et diversement timbrées, sachant parfaitement dire le texte, la fable d'Orphée mettant pour une fois en valeur Euridice, la musique diffuse, souple et belle. Le passage des récitatifs aux ariosos, puis aux madrigaux semble couler comme une calme rivière. Le drame est suggéré avec élégance. Il ne s'agit pas de la peinture étincelante de Monteverdi quelques années plus tard, mais d'une fine gravure avec des voix précises ciselant le texte et un orchestre simple et varié à la fois évoquant un lavis. La délicatesse des instruments fascine. Leur utilisation artiste permet des teintes harmonieuses et multiples accompagnant les variations d'ambiance adéquates malgré leur petit nombre. , âme du projet, dirige, joue du théorbe et chante Orféo. Le personnage est noble, calme, courtois et l'émotion naît de l'admiration pour le style et l'élégance de son chant. Sa direction donne à cette musique gouleyante toute la souplesse dont elle a besoin. Les chanteurs sont ainsi très à l'aise et le texte est comme parlé en raison d'une prosodie naturelle.

Afin que le projet artistique mette en avant le texte, le livret de Rinucini, fait chanter la Tragédie dans le prologue et non la Musique comme chez Monteverdi. Il serait vain de chercher à comparer Caccini et Monteverdi. Car si le crémonais est bien plus inventif et plus opulent, assurément il s'est inspiré de son prédécesseur dont le génie n'est pas moins grand mais différent. L'annonce de la mort d'Euridice est émouvant sans pathos, dans une superbe alternance d'interventions solistes et de tutti. Le retour régulier de sospirate, aure, celesti, est intense. Une volonté dramatique et théâtrale aurait clos l'acte sur cette lamentation. Mais Rinucini et Caccini font suivrent une scène annonçant qu'Orphée sera accompagné aux enfers par Vénus. Ainsi la descente aux Enfers se fait sur une romanesca délicatement orchestrée annonçant un voyage sans terreur. Les Enfers sont donc suggérés et non décrits en leurs affres variés. Ici l'élégance est partout maîtresse. Et toute la fable garde une distance avec le drame en un souhait d'équilibre constant. Il s'agit d'un divertissement poétique et non d'une fable dramatique. Même la fin est heureuse sans excès. Les moyens vocaux requis sont modestes mais les madrigaux qui émaillent l'œuvre n'en prennent que d'avantage de reliefs et les ariosos plus d'expressivité sans jamais en rajouter et l'orchestre se fait aussi divers et sensible qu'il est possible en sa modestie.

Les chanteurs ont tous des voix fraîches et juvéniles sachant alterner avec art récitatifs et vocalises subtiles. Aucune voix ne se détache particulièrement, aucune n'est lyrique mais aucune ne défaille. Il s'agit d'un très agréable travail d'équipe basé sur l'écoute dans la recherche d'une fine musicalité constante. Il ne s'agit pas encore d'opéra mais de chant expressif naturel porté par une équipe passionnée. La prise de son permet une spatialisation intéressante et une écoute facile et naturelle des sonorités des instruments et des voix. Une découverte incontournable pour qui aime la voix et le chant. On ne saurait trop conseiller l'écoute de cette œuvre, probablement la plus proche du temps de la naissance du genre opéra.

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