- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Philippe Jaroussky, en vers et contre-ténor…

Le public, venu en nombre au Théâtre du Châtelet, en ce dimanche ensoleillé d'avril, a réservé un véritable triomphe au contre-ténor et au pianiste , venus interpréter le programme de leur disque récemment sorti, Opium. Pourtant, l'affaire paraissait étrangement engagée.

Dans la foule compacte, agglutinée devant les portes du théâtre dès neuf heures trente, pour un concert débutant 90 minutes plus tard (à cause du placement libre), on trouvait bien sûr les vieux abonnés des Concerts du Dimanche Matin, nostalgiques de Gérard Souzay et de . Entendues dans la file d'attente, deux vieilles dames causant, dont l'une fanfaronne : «Ah ! Dans le baroque il est formidable, mais là, quand même ! C'est écrit pour des voix de femmes… ou des voix d'hommes !» Son amie, un peu gênée, lui répond : «Mais… C'est un homme !» Et la première, sans se démonter, de répondre : «Oui !!! Enfin… Tu vois ce que je veux dire !» Mais on trouvait aussi, et c'est tant mieux, un public beaucoup plus hétéro…gène et bien plus curieux de découverte, alliant «branchitude» et passion pour Jaroussky. Sans aucun doute, le buzz Opium a pris !

Le récital reprenait la quasi totalité des mélodies enregistrées, entrecoupées de deux pièces pour piano : l'occasion de saluer ici l'épatante prestation de , accompagnateur délicat et complice, qui a pu s'exprimer seul dans Automne, de et dans le Prélude de César Franck. Quant à , il nous a offert un moment de plénitude, d'une qualité égale à celle de l'enregistrement. Tout y est : couleurs vocales, expressivité, projection, art des nuances, humour, et surtout bonheur – lisible sur son visage – de chanter… Un tel programme, à onze heures du matin, démontre (mais en était-il besoin ?) l'absolue santé vocale du chanteur.

Cerise sur le gâteau, le tandem Jaroussky / Ducros s'est même permis un peu de fantaisie dans les deux bis. Avec la Havanaise de , pièce à vocalises brillantes, idéale pour un rappel, le contre-ténor se joue des difficultés, montrant que la technique vocale acquise dans le baroque peut se mettre au service d'autres répertoires. Enfin, avec une pointe de malice, reprend une page donnée en début de récital (et présente sur le disque Opium), Sombrero de  : une mélodie pleine d'humour et «à roucoulades», qu'il interprète, une strophe en voix de tête, une strophe en voix de poitrine… La salle éclate de rire, le débat est clos et le triomphe immense.

Crédit photographique : Philippe Jaroussky (c) Ribes & Vo Van Tao.

(Visited 609 times, 1 visits today)