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Vanitas : Morte est la mort, ah si seulement…

Rencontres chorales d'Ile-de-France

Tandis que la pénombre s'installe dans la salle Ravel, un à un les musiciens et chanteurs prennent possession de la scène, afin d'y tenir leur rôle. Cette scène devient un miroir où vont se refléter les folles passions humaines. est le premier à se présenter et les notes du luth comme des bulles d'air, comme une brise légère, nous font percevoir dès les premiers instants, combien la vie est éphémère, dans son insoutenable légèreté.

Dans le cadre des Rencontres Chorales d'Ile-de-France, sous la direction de , nous ont permis d'entendre dans un programme intitulé « Vanitas », des Cantates de Rossi et Octonaires de l'Estocart, très rarement voire jamais entendues. Avec le niveau d'interprétation et d'expressivité sensuelle a su rendre à ces œuvres une modernité sensible à nos cœurs.

a su s'entourer tout d'abord de musiciens sensibles, apportant un soutien équilibré, élégant, parfois même virtuose, mais surtout d'une rare délicatesse aux interprètes vocaux. Les chanteurs étaient répartis en deux groupes. L'un lyrique, l'autre éthéré. D'un côté les interprètes de Rossi accompagnés par l'ensemble de la basse continue, plus deux violons, créant une pâte sonore qui semblent se parer des ors et des velours de cette Rome, où tout est séduction, même et surtout la musique dédiée à l'église. Les voix s'unissent, charnelles et jouent avec les musiciens un jeu à la perversité trouble et endiablée, évoquant une danse macabre, saltatoire et presque joyeuse. La vanité devient l'expression d'un monde qui prend conscience que la vie et la mort ne sont qu'illusions.

L'autre groupe de chanteurs, accompagné d'une basse continue beaucoup plus sobre, évoque des mondes où la perfection semble sur le point de se perdre, fragile, presque éthérée mais dont les vers à la poésie fulgurante et déchirante d'Antoine de Chandieu, comme la musique de Paschal de l'Estocart offrent une étrange fusion d'une syntaxe musicale et de la phrase poétique entre deux mondes. Le Moyen-âge et l'époque baroque, tout deux en quête d'un sens de la vie qui se perd dans l'impossible harmonie trouvent ainsi par la voix des Cris de Paris, un lien qui les unit. Ces voix qui s'interpellent sont lisses et pures, mais se brisent en cherchant et implorant, en se riant, donnant aux mots toute leur puissance. Les chanteurs au phrasé maîtrisé de ces étranges polyphonies rendent inutile les sur-titres. La poésie de la musique et la musicalité des mots y deviennent une flamme qui nous consume et nous glace tour à tour.

Dans La glace est luisante et belle, elles nous broient, nous déchirent, en nous laissant percevoir notre humaine faiblesse « La glace est luisante et belle : Le Monde est luisant et beau. De la glace on tombe en l'eau, Du Monde, en mort éternelle. Tous deux à la fin s'en vont. Mais la glace en eau se fond: Le Monde et ce qui est sien, S'esvanouit tout en rien ». Et le mouvement des phrases poétiques et musicales, y devient feuilles mortes emportant les musiciens, jusqu'aux dernières notes du luth, venant des coulisses. Morte est la mort, cette « exquise tromperie » ne nous ferait plus peur grâce à ces instants magiques ?

Crédit photographique : Vanité de Simon Renard de Saint-André, Musée des beaux-arts de Lyon © DR

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