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Quatre siècles de musique au Festival l’Eure Poétique et Musicale

Ce deuxième concert à l'affiche du Festival de Musique et au Pays d'Avre, d'Eure et d'Iton, s'est présenté comme un voyage harmonieux à travers quatre siècles de musique, de Mozart à nos jours, permettant une réflexion à la fois sur l'évolution de l'orchestre et sur la forme concerto. Beethoven et Girard se sont confrontés idéalement sur le territoire fertile du concerto soliste, l'un pour piano, l'autre pour violon. Une «échelle de beauté» musicale, pour paraphraser le compositeur contemporain, dont la première marche a été le Divertimento en ré majeur de Mozart. Malgré la beauté de cette musique, capable à elle seule de susciter les plus vives émotions, l'orchestre n'a pas été en mesure, et cela dès les premières notes, de s'extraire d'une interprétation académique et parfois ennuyeuse, sans aucune originalité. Le manque de justesse des violons s'est cumulé au retard parfois gênant des violoncelles et des altos. Aucune emphase n'a souligné la fin des mouvements, se succédant les uns aux autres seulement entrecoupés des applaudissements du public – public un peu naïf mais qui a, malgré tout, manifesté un réel enthousiasme.

On aurait espéré entendre une toute autre musique, avec la création française d'. Mais hélas, s'éloignant de la plupart des tendances contemporaines qui essayent de mettre en évidence toutes les possibilités sonores et techniques de l'instrument soliste, cette composition reste ancrée dans la tradition du concerto pour violon, avec ses sonorités «classiques», et dans un jeu plutôt traditionnel. Trois mouvements s'enchaînent : le deuxième, très court et délicat, le final, modéré, surprenant ainsi les auditeurs habitués à un dernier mouvement rapide. Quant au premier mouvement, qui occupe les deux tiers du concerto, il se présente sous la forme d'un thème avec variations, aux sonorités tard-romantique. L'orchestration rappelle de près celle de la Rapsodie sur un thème de Paganini op. 43 de Rachmaninov : l'incise du violon et la répétition obsédante des quatre notes la-do-si-la par l'orchestre adoptent la même tonalité de la mineur et parfois le même schéma rythmique. La succession des scènes-variations, conçues d'après le compositeur tel un tableau, assument un caractère onirique et contemplatif, dont l'inspiration relève sans doute du mysticisme et de la poésie, mais aussi du déjà-entendu. S'il est vrai que toute œuvre est de quelque façon le produit d'un passé, qui évolue en fonction du présent pour créer des formes futures, on ne saurait se tromper en affirmant que, malgré le charme exercé par la mélodie tonale sur l'auditorium, cette création ne montre aucune trace d'originalité, ni d'évolution par rapport au passé.

Seul le Concerto n°2 de Beethoven, dernière œuvre de la programmation mais première à avoir été composée, a été un moment musical des plus intenses lors de cette soirée. L'interprétation de Gérard Gasparian déborde d'élégance, notamment dans le deuxième mouvement lent, d'une délicatesse charmante, et cela nonobstant les interventions de l'orchestre. Celui-ci suivait le piano de façon un peu trop scolastique et n'a pas été à la hauteur de l'inspiration du soliste. Dans le final, le pianiste s'est délecté d'un tempo très vif, qui a semblé encourager l'orchestre à s'amuser des transformations rythmiques du thème, des déplacements d'accents évoquant un coucou, et à sortir finalement des schémas métronomiques. La gaieté qu'il a su conférer à ce mouvement lui vaut une pleine indulgence pour les quelques accidents de passage qui, isolés, n'ont ni importance, ni incidence sur un tout agréable et brillant.

Crédit photographique : – DR

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