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Poète, prends ton luth…

Festival l'Eure Poétique et Musicale

Pour sa seconde édition, le Festival de l'Eure Poétique et Musicale s'est considérablement étoffé : une dizaine de concerts, agrémentée d'interventions pédagogiques, de visites de monuments et d'un cours d'interprétation. Comme l'année dernière, un concert rassemblait littérature et musique en un mariage très réussi, même si l'acoustique de l'église Saint-Hilaire, aux magnifiques clefs de voûte pendantes, ne se prêtait pas idéalement à la musique de chambre. Associée aux Nourritures terrestres, la Sonate de Debussy bénéficiait d'une interprétation remarquable : jeux rythmiques, invention sonore, mobilité du caractère, aucun aspect de l'œuvre n'était négligé par et Armine Varvarian, directrice du festival. L'étrange sérénade, qu'on dirait menacée par le silence, était exécutée avec une admirable concentration.

La troisième Sonate pour violoncelle de Beethoven était entremêlée avec des extraits de La nuit de mai. La présence radieuse et l'éloquence spontanée de redonnait un peu de fraîcheur à ces vers bien connus, illustrant le jugement du critique Marcel Arland sur Les nuits : «après les avoir portées trop haut, on les méprise trop». De la sonate, assez imprudemment enrôlée sous la bannière du romantisme, les deux musiciens donnaient une interprétation d'une louable ardeur, qui ne trouvait toutefois jamais sa juste respiration. Il est vrai que l'équilibre expressif n'est pas aisé à atteindre dans cette œuvre : les idées musicales possèdent une énergie irrésistible, – il n'y a d'ailleurs pas de mouvement lent- mais tout de même canalisée dans des développements à la fois amples, volubiles et harmonieux, qu'il faut animer sans les brutaliser.

La seconde partie rendait hommage à la culture arménienne. lisait des théologiens arméniens de l'Antiquité et du Moyen-Age, sur le thème de la joie spirituelle. interprétait une composition très poétique, écrite presque entièrement en double cordes (cf. le disque). Encadré par de sévères liturgies, l'épisode central emportait l'imagination vers des paysages bucoliques et des régions désolées. La soirée se terminait par trois chants populaires arrangés par Komitas (1869-1935), qui collecta et diffusa les traditions musicales arméniennes. Le travail de Komitas s'apparente à celui de Britten sur les folksongs : l'harmonisation colore la mélodie sans lui ôter son charme allègre ou mélancolique. En définitive, on ne peut que souhaiter longue vie à ce jeune et ambitieux festival.

Crédit photographique : © Charlotte Schousbœ

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