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Missa Assumpta par Hervé Niquet, la fusion de la passion et de l’abandon

Voici probablement l'une des plus belles œuvres de . Oui, diront les esprits critiques, le beau est très subjectif, mais la Missa Assumpta est Maria semble exprimer tout ce que, à l'instant de mourir, à l'instant où vous vous abandonnerez, vous aimeriez ressentir. La Missa Assumpta est Maria est un chef-d'œuvre. Elle l'est par elle-même, car quels que soient les défauts que pourraient avoir ces interprètes, elle est si dévorante qu'en l'interprétant, ils ne pourraient que se trouver dépassés au point de se consumer. Et c'est exactement ce qui produit ici… Malgré une prise de son presque chirurgicale, les interprètes du Concert Spirituel et s'offrent à cette œuvre avec une telle fougue que l'on en oublie ce défaut.

Cette messe est la dernière composée par Charpentier. Extrêmement bien documentée, elle offre aussi une souplesse permettant une certaine liberté d'interprétation et des aménagements qui se traduisent ici par l'intégration de pièces comme le motet à voix seule : Sancti Dei per Fidem vicerunt Regna (H361). Sa superbe interprétation a capella mériterait d'en identifier la voix. Sa présence apaisante va aussi offrir en s'achevant un de ses moments saisissants qui, tout au long de ce CD, vous bouleversent. L'enlacement avec les voix du chœur qui le rejoignent au tout début du Credo, si intense dans le contraste avec les voix éthérées de ce dernier, fait que la musique devient un lac en fusion.

et parviennent à réaliser un équilibre parfait entre l'orchestre et les voix, que ce soit avec les solistes ou le chœur. Le mœlleux légèrement acidulé des cordes, leur souplesse, la chaleur des flûtes et du hautbois, la vigueur du basson, toutes les couleurs de l'orchestre, apportent bien plus que le soutien d'une basse continue pour les voix, elles nous atteignent comme une lame, devenue plainte déchirante dans l'offertoire : pour un reposoir (H. 508). Violon et hautbois semblent appeler, supplier, puis s'entrelacer et s'élever comme les flammes d'un feu sans cesse plus intense.

La distribution vocale des solistes et du chœur parvient à un équilibre, permettant de sublimer les mots et de percevoir la puissance des effets, qui vont progressivement vous conduire à vous consumer jusqu'à l'abandon. Et de l'intime prière jusqu'au chant de gloire, la musique de Charpentier que nous offre ici et n'est pas sans rappeler certaines œuvres ultérieures qui nous touchent par leur bouleversante modernité dans l'expression de la passion.

Et si l'on peut regretter cette prise de son, dont on sent qu'elle utilise plus des moyens techniques que la magie d'un lieu (l'Ircam n'est pas une chapelle), et un livret qui mériterait d'être complété par le nom des solistes en face de chaque pièce, les réserves ici émises ne peuvent résister à un tel flamboiement d'émotions.

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