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Une bien belle équation pour Mendelssohn

Loin des clichés, Mendelssohn est sans conteste l'un des esprits les plus solaires du romantisme musical allemand. Son art raffiné allie une mesure toute «classique» aux débordements passionnés propres à son temps, cependant que sa musique se fait parfois l'écho d'atmosphères fantastiques, typiques de l'âme germanique. La réédition qui nous est proposée met en rapport les quatuors de jeunesse avec les trios plus tardifs, et rend compte de la prodigieuse précocité du génie de Mendelssohn (une étrange synthèse entre Mozart et Weber particulièrement perceptible dans le mouvement Adagio de son Quatuor n°1), comme de sa maîtrise absolue du métier, caractéristique de la maturité. Ce programme est servi par des interprètes en tout point remarquables.

La grande difficulté de ces pièces réside dans le délicat équilibre à trouver entre les différents acteurs. Lui-même excellent claviériste, Mendelssohn fait la part belle à cet instrument, dont la partie se révèle à maints endroits d'une virtuosité redoutable ; la comparaison avec ce que fera Brahms, à l'opposé du siècle, semble ici devoir s'imposer. Cette caractéristique témoigne du caractère volontiers concertant de ces œuvres, par ailleurs tout à fait explicite dans le Quatuor n°2. Confrontées à cet épineux problème, les deux pianistes restituent leur partie avec clarté et précision, tout en sachant s'effacer avec beaucoup de finesse, lorsque le discours le requiert.

Leurs partenaires ne sont pas en reste et contribuent à la réussite de l'ensemble par le lyrisme et la chaleur de leur interprétation. Sans doute le jeu de Christian Crenne et Manfred Stilz est-il moins poussif que celui de leurs confrères du  ; loin de démériter, ces derniers ne rendent que mieux justice à l'impétuosité toute juvénile des premiers opus.

L'ensemble est proprement délectable, avec une mention spéciale pour les mouvements extrêmes des quatuors, tumultueux à souhait, les scherzi des deux trios, qui bruissent du pas de lutins malicieux, ou encore la coda de l'Adagio du Quatuor n°2, qui nous tient en haleine… Œuvres magnifiques, interprètes inspirés : voici une bien belle équation sur laquelle plancher !

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