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Radu Lupu, explorateur de l’intime

Dans cette ère de surabondance, la rareté et l'exigence de font figure d'un mets raffiné que l'on n'accorderait qu'en d'uniques occasions. Son récital parisien, attendu avec cette impatience fébrile qui est la marque des grands événements de la saison, n'a pas failli à sa réputation.

Sa concentration impénétrable qu'on méprend pour de l'austérité ouvre littéralement à une autre dimension. Beethoven vu par Lupu c'est accéder à l'intime du compositeur, à l'essentiel. Il décline en une palette subtile ce qui passerait facilement inaperçu : la pondérance (Sonate n°9), l'esprit, qui emprunte aux dialogues lyriques une espièglerie ingénue sans céder à la légèreté (Sonate n°10). Enfin, une sobriété poignante pour exprimer les sentiments les plus extrêmes (Sonate n°8 «Pathétique») : quel déchirement dans ce premier accord qui semble jaillir d'un monologue intérieur. L'étirement (sans excès) des tempi souligne les couleurs inouïes de cette catharsis introvertie. Le jeu est dense, dépouillé : peu de pédale compensée par un legato dans la corde et une articulation incisive qui rendent le feu intérieur presque palpable.

En deuxième partie, Debussy est un terrain d'expérimentations où le soliste ne s'en tient pas aux effets. Il ne décrit pas mais, encore une fois, il incarne. Il charge les atmosphères, il conte et distille le mystère tout en dissipant la brume. Il fait réellement entendre les cloches dans La cathédrale engloutie, rire dans Minstrels… et donne saveur au rythme. Il creuse dans l'œuvre de celui qu'il semble considérer moins un esthète qu'un poète. Un exercice mémorable.

Crédit photographique : © John Garfield

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