Promouvoir de jeunes artistes par le biais du mécénat culturel : l'intention est louable, surtout en ces temps où les banques ont d'autres préoccupations que la culture. Choisir la «franco-belgitude» comme fil rouge d'un programme musical ne relève pas de l'exceptionnel, mais… Pourquoi pas ? Cependant, lorsqu'on lit, dans le texte de présentation, que César Franck «est un parfait exemple de l'assimilation culturelle franco-belge…» Le doute s'installe. Remugles d'autres discours ambiants et contemporains.
Le programme de ce CD est très inégal, tout comme l'interprétation des œuvres qui y sont proposées, ainsi que la prise de son. Et quand l'un des chefs-d'œuvre de la musique de chambre, la Sonate pour piano et violon de César Franck, (devenue sous la plume de Proust la Sonate de Vinteuil), voisine avec l'improbable Caprice d'Eugène Ysaÿe – lui-même adapté de la non moins improbable Etude en forme de valse de Camille Saint-Saëns – le doute prend ses marques.
Le violoniste Svetlin Roussev n'est d'ailleurs pas récompensé pour son interprétation de ce clafoutis franco-belge : doubles et triples cordes aussi gracieuses qu'un aboiement de rottweiler, harmoniques tout juste justes, degoulinandi hasardeux de doubles-croches… Tout y passe, cependant qu'au piano, Elena Rozanova tente d'exister en arrière-plan.
La Sonate en la majeur de César Franck – dédiée à Eugène Ysaÿe… Fil rouge quand tu nous tiens ! – est la meilleure séquence de ce CD : cette page complexe, et novatrice en son temps, requiert une maîtrise des instruments qui dépasse la seule technique : l'intériorité tissée d'expressivité des deux interprètes surprend ! Point d'excès, point de débordements… Leur approche, un peu fébrile, n'est certes pas définitive, mais elle a le mérite d'illuminer ce CD.