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Don Giovanni, le libertin avance masqué à Rennes

L'Opéra de Rennes crée l'événement en cette fin de saison. Evènement technologique puisque, le 2 juin, la production de Don Giovanni sera retransmise en direct sur écran géant, Place de la Mairie, mais aussi en trois dimensions avec son spatialisé dans le grand salon de l'Hôtel de Ville, ce qui constitue une première mondiale dans le domaine de l'opéra.

Evènement musical ensuite, car ce spectacle, créé en 1998 et qui a suscité depuis tout sauf l'indifférence, est repris dans des conditions musicales particulièrement favorables.

Le mérite en revient en premier lieu au jeune chef néerlandais , découvert ici même en 2005 dans le Freischütz. Dès l'ouverture, le ton est donné avec une lecture vive, colorée et parfaitement équilibrée. Attentif aux chanteurs, le chef n'en laisse pas moins s'épanouir les sonorités flatteuses de l'Orchestre de Bretagne qui trouve incontestablement dans la musique de Mozart un de ses territoires d'élection. La partition est élégamment déclinée, avec une plénitude sonore qui ne cède jamais à l'effet.

La distribution vocale réunie par est à la hauteur de l'enjeu. campe, avec un impact certain, un séducteur blasé et décadent, doté d'un instrument de qualité, suave à souhait dans la sérénade et qui se joue des difficultés de «Fin ch'han dal vino» avec une aisance peu commune. David Bizic lui donne la réplique en Leporello, dont le côté bouffe est ici fortement accentué, avec une voix sonore et saine, et une présence scénique des plus sympathiques. Nous découvrons le ténor espagnol qui, en Don Ottavio, sait être stylé tout en restant viril : délicat dans «Dalla sua pace», il affirme son tempérament dans un «Il mio tesoro» de bonne facture.

Malgré quelques tensions dans l'aigu en début de représentation, chante Donna Anna avec beaucoup de flamme et domine les ensembles de sa voix puissante. Handicapée par des robes peu seyantes, ne démérite pas en Donna Elvira, privée ici de «Mi Tradi». , enfin, campe une Zerlina mutine et délurée, et son soprano fruité nous séduit lorsqu'elle adresse à son balourd de Masetto des accents consolateurs. Par delà quelques réserves, c'est l'homogénéité de l'équipe vocale qui s'impose, et le sentiment d'un réel travail d'équipe.

Nous ne reviendrons pas en détail sur la production bien connue d', reprise ici par Frans Willem de Haas, auteur d'un travail de réglage extrêmement précis. Certains critiques ont reproché au metteur en scène de n'avoir retenu que le côté bouffe de l'ouvrage. C'est oublier, derrière l'humour, l'ironie grinçante toujours sous-jacente, ainsi que ce jeu de masques qui autorise beaucoup de perspectives. Nous pensons, pour notre part, que peu d'artistes sont capables, avec une telle économie de décorum, d'imposer une lecture aussi limpide et personnelle de ce monument lyrique. Cette reprise est donc la bienvenue et conclut une saison réellement passionnante, au regard des moyens limités dont dispose l'Opéra de Rennes. Il faut en remercier , artisan cultivé et enthousiaste.

Crédit photographique : DR

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