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Karel Ančerl immortalisé en vidéo

La somptueuse «Karel Ančerl Gold Edition» de Supraphon s'est achevée en apothéose avec un superbe coffret de 4 CD consacré essentiellement à la musique tchèque méconnue du XXe siècle. Toutefois, Supraphon n'en est pas resté là, et nous propose ce DVD de documents rares relatifs à l'illustre chef tchèque. L'éditeur nous avait déjà offert un DVD équivalent honorant Václav Talich (1883-1961), et il semblait évident qu'il en soit de même envers son successeur à la Philharmonie Tchèque. Il reste à espérer que Václav Smetáček (1906-1986) ou Václav Neumann (1920-1995) obtiennent également les faveurs de Supraphon en vidéo.

La partie documentaire de ce DVD intitulée Qui est  ? est particulièrement émouvante ; au détour d'extraits de répétition de la Symphonie n°2 de Beethoven, on voit (1908-1973) évoquer les bons et moins bons souvenirs de sa vie, notamment, avec une admirable pudeur, les terribles années noires de l'occupation durant lesquelles, rescapé miraculeux du camp d'Auschwitz, il subira cette indicible douleur d'y perdre les siens : femme, enfant, parents… Tout autre que aurait plongé dans le désespoir, mais cet immense artiste aussi humble que persévérant, confiait : «Lorsque j'ai connu ces abîmes profonds de ce qu'un homme peut faire à un autre, je n'ai pas perdu la foi en l'Humanité, et plus tard après la guerre, je suis retourné plein d'élan dans la trajectoire que j'avais entamée en 1930. »

Les années 30 furent effectivement celles, heureuses, où il obtint ses diplômes de chef d'orchestre et de compositeur avec sa Sinfonietta, et où il participa parmi tant d'autres à la création munichoise de l'opéra en quarts de ton La Mère d'Aloïs Hába.

Les années d'après-guerre témoignent de la période célèbre – peut-être la plus célèbre – de la Philharmonie Tchèque, et il est heureux que subsistent ces deux captations réalisées par la Télévision Tchèque lors du Festival Musical International «Printemps de Prague», le 28 mai 1966 (honorant le Concerto pour violon de Beethoven avec le trop rare en soliste inspiré, nuancé et chaleureux), mais surtout ce 12 mai 1968 (où Ančerl dirige l'œuvre emblématique de toute la nation tchèque, Ma Patrie de Smetana).

Ce cycle de six poèmes symphoniques fut d'abord l'apanage de l'illustre Václav Talich qui le grava par trois fois en 1929, 1941 et 1954. Mais dans le sillage de son maître, Karel Ančerl nous en offrit une version studio stéréophonique flamboyante en janvier 1963, généralement admise comme la plus aboutie, par sa vigueur fantasque, sa précision rythmique et son lyrisme enflammé. Cinq années plus tard, l'exécution «live», qui nous est proposée ici, est de la même eau, tout aussi fascinante, magnifiée par la présence du public.

Si l'image en noir et blanc des deux concerts n'est pas sans défaut (typique des copies en kinescope d'émissions télévisées), le son en excellente mono est tout à fait honorable, et ce DVD est une leçon d'humilité et d'humanisme, non seulement pour les apprentis chefs d'orchestre ou les amoureux de la musique, mais aussi pour tout être humain. Signalons qu'il existe un excellent DVD VAI (4322) dans lequel Karel Ančerl dirige l'Orchestre Symphonique de Toronto dans la répétition et l'exécution finale de La Moldau de Smetana (en couleurs, le 5 février 1969), généreusement couplées avec la répétition de L'Art de la Fugue de Bach, arrangé et dirigé par Hermann Scherchen (en noir et blanc, le 1er juin 1966).

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