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Tout sur l’unique thème de Pâques

Ce disque réunit pour la première fois la plupart des pièces d’importance dédiées au célèbre hymne pascal «O Filii et Filiae», depuis l’ancien régime, jusqu’à nos jours. Il est vrai que la fête de Pâques, pourtant la plus importante du calendrier chrétien, a bien peu inspiré les compositeurs en terme de thèmes. Hormis celui-ci, largement disserté, et on le comprend, l’autre reste le fameux «Victimae Paschali laudes» qui devint plus tard, sous la réforme de Lüther, le choral «Christ lag in Todesbanden». Pour l’heure, le «O Filii» s’est déployé depuis les maîtres français de l’orgue du XVIII° siècle, qui furent inspirés par ce thème très élégant : Dandrieu le décline abondamment par deux fois, et en fait même la pièce introductive de son livre d’orgue.

Cette mélodie se prête particulièrement à la variation, et c’est ce que nous retrouvons tout au long de cet enregistrement. Le style d’écriture va évoluer au fil du temps, mais le thème, toujours perceptible, semble accrocher les auteurs, au point de ne jamais trop s’en écarter. Le texte en est le suivant «O Fils et Filles, le Roi des cieux, le Roi de gloire a surgi de la mort aujourd’hui, Alléluia !». Comme un témoin passé de mains en mains durant trois siècles, l’harmonie propre à chaque compositeur se révèle : la période romantique en dit long à ce propos sur les procédés d’écriture.

L’apogée se concrétise avec Pierre Cochereau, dont l’œuvre est la reconstitution d’une improvisation captée en situation, lors des offices à Notre-Dame de Paris, et mise en partition par François Lombard : œuvre extraordinaire concrétisant à elle seule et mieux que toute autre, la splendeur du matin de Pâques. L’intensité monte au fur et à mesure de l’improvisation et des variations. L’excitation fera même «corner» l’orgue de Notre-Dame, ce que Pierre Cochereau, en grand professionnel, fera disparaître, par quelque ficelle de métier, en martelant le clavier à plusieurs reprises par de puissants accords afin de décoincer la soupape récalcitrante, sans que le discours musical n’en soit nullement affecté.

Grâce à ce disque, nous faisons la connaissance d’une jeune artiste, tour à tour élève de Eric Lebrun et de Michel Bouvard. Son jeu est assuré, clair et net, sans détour, à l’aise dans les divers styles proposés ici. Quant à l’orgue, c’est une première aussi avec cet enregistrement. Romantique d’origine, il a été restauré en 2007 par la manufacture languedocienne des grandes orgues, dirigée par Charles Sarelot. Claude Berger a également contribué à cette heureuse restauration, redonnant à l’orgue son essence originale, que les années 50 lui avaient ôtée. Ainsi reconstitué, cet instrument sert d’avantage les auteurs romantiques et symphoniques proposés en deuxième partie de programme, ce que confirme une prise de son reculée, en harmonie avec ces œuvres.

Voici un disque attrayant par un programme original et une double découverte orgue-soliste.

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