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Une interprétation moderne sur instruments d’époque avec Badura-Skoda

Dans cette réédition des deux Quatuors avec piano de Mozart, la collaboration est fructueuse, tant musicalement que musicologiquement, entre , maître viennois du clavier, et les trois membres du , formation désormais célèbre pour une magnifique intégrale des quatuors à cordes de Haydn.

Ce qui fait surtout l'intérêt de tout enregistrement sur instruments d'époque, outre la découverte de « nouvelles » interprétations (en réalité, le retour à la source) basées sur les résultats de recherches musicologiques récentes, c'est incontestablement la sonorité. Le pianoforte d'une facture viennoise de la fin du XVIIIe siècle, sur lequel joue , a un son caractéristique, une sorte de mélange de clavecin et de « piano classique » avant le grand développement mécanique du XIXe siècle. Dans certains passages, notamment au thème principal du Quatuor en mi bémol majeur, on croirait entendre un clavecin, tandis qu'ailleurs, le caractère sonore du pianoforte s'affirme nettement, comme dans le premier mouvement du Quatuor en sol mineur et les mouvements lents des deux Quatuors.

Cette partie du clavier, soumise à une écriture dense et activement mise en relief comme dans un concerto, joue un rôle prépondérant, exigeant une grande fluidité et une légèreté aérienne. Cependant, chez Badura-Skoda, on perçoit souvent des boitillements dans les passages rapides (gammes, arpèges…), entraînant des imprécisions rythmiques et parfois des décalages, quoiqu'infimes, par rapport aux cordes. D'où l'impression d'irrégularité. Mais on se demande en même temps si cette inégalité ne vient pas de certaines techniques utilisées à la période classique (par exemple l'alternance de l'index et du majeur pour des phrases contenant une gamme) qui auraient été fidèlement reproduites par l'auteur du célèbre livre L'art de jouer Mozart au piano.

Les cordes soutiennent efficacement le pianoforte en l'englobant dans un timbre chaud et généreux. Les quatre instruments forment ainsi un ensemble savoureux dans un discours intelligible. Cette clarté d'interprétation rend le finale de chaque Quatuor particulièrement pétillant et chatoyant et procurera une grande joie à tous les auditeurs. Une mention particulière pour le violoncelle, qui exécute la partie de la basse avec beaucoup d'assurance, surtout dans le Quatuor en mi bémol majeur.

Un disque revigorant, grâce à cette « sonorité d'époque » qui sonne finalement si moderne à nos oreilles contemporaines !

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