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Le bon goût de la cerise avec Deborah Riedel

Pour leur second récital chez Melba, et proposent un assortiment varié de raretés « des XVIIIe et XIXe siècles ». En fait de XIXe siècle, on ne s'aventure pas au-delà de 1804, tandis que la plus ancienne des pièces date de 1743. On croise dans ce programme des compositeurs anglais, allemands, italiens, sans oublier un espagnol, un portugais, un belge et un français. Les genres abordés sont eux-aussi fort divers : des airs de ballad operas, des airs italiens d'opéra-bouffe ou d'opera seria, des airs d'opéra-comique, mais aussi des cantates, des extraits de sérénades, et enfin, seul représentant du genre sacré, le fort bel Ingemisco du Requiem de Mayr. Bien que la notice n'en souffle mot, on peut parier qu'au moins la moitié des pièces trouvent ici leur premier enregistrement. Les autres sont déjà connues par des récitals (Janet Baker, Joan Sutherland, Robert Tear, Sophie Karthaüser) ou par des enregistrements intégraux d'opéras (Una Cosa rara de Martin y Soler, Giannina et Bernardone de Cimarosa).

Le projet est sous-tendu par une véritable unité stylistique, tout en parcourant l'histoire depuis les successeurs immédiats de Haendel (Arne et Boyce) jusqu'à Zingarelli et Mayr, qui furent les maîtres respectifs de Bellini et de Donizetti. On y entend finalement moins l'évolution du style galant vers une sensibilité romantique que l'épanouissement d'un style classique européen, dont on admire la grâce harmonieuse et savante. Naturellement, dans un langage qui condamne tout excès comme une offense au bon goût, l'abus de tournures conventionnelles peut impatienter le goût moderne, habitué à des mets plus épicés, qu'ils soient baroques ou romantiques : si tous ces airs ravissent, aucun ne transporte. Il est même révélateur que l'instrumentation qui paraît la plus osée (celle d'un air de concert du castrat Crescentini, qui enchanta Balzac et Napoléon) soit précisément une reconstitution due au musicologue Richard Burgess-Ellis !

La réalisation, à l'image du répertoire, est toute de charme et de délicatesse. Sans précision de la notice, on peut penser que les instruments utilisés sont d'époque : le son de l'orchestre, agrémenté d'un discret clavecin, est en tout cas plaisant et fin. anime avec une parfaite élégance les frémissements et les rythmes dansants qui accompagnent la ligne vocale. n'est pas une spécialiste de ce répertoire, cela s'entend à la générosité de son chant, mais elle séduit par son naturel et par un timbre assez sombre, qui lui permet d'aborder aussi des pages écrites pour contralto ou pour castrat. La virtuosité est très sage, l'expression presque incolore, et la prononciation excellente. Au-delà de son intérêt musicologique, cet agréable disque vaut aussi comme souvenir de la chanteuse, disparue en janvier dernier à l'âge de cinquante ans.

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