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Les utopies sonores de Berio

Festival Agora 2009

Dans le cadre de la 4e Biennale d'art vocal et du Festival Agora qui poursuit son hommage à (Passaggio et Formazioni), la Cité de la Musique accueillait l'Orchestre Philarmonique de Bruxelles-Orchestre de Flandres sous la direction de son chef pour un concert d'envergure liant étroitement l'appareil vocal et instrumental, tradition italienne oblige. En effet, à côté du chef d'œuvre de , Coro, nous entendions en création mondiale Sirènes pour chœur, orchestre et informatique, l'œuvre de son proche collaborateur, assistant et compatriote  ; c'est une pièce de grand déploiement – elle dépasse la demi-heure de musique – qui s'inscrit en droite ligne dans l'esthétique du maître. Francesconi reprend l'effectif des 40 voix de Coro qu'il distribue différemment, groupant les voix d'hommes sur scène, derrière l'orchestre, et répartissant les voix de femmes en quadriphonie dans la salle. En invoquant les Sirènes du temps et convoquant l'assistance de l'électronique, il génère la perception de différentes couches temporelles fortement opposées dont la direction peu nuancée de accuse les contrastes et souligne la dureté des impacts sonores. S'il se dégage de l'envergure du propos un souffle épique qui ne manque pas d'impressionner, les références permanentes et quasi citationnelles – voire le pillage systématique des trouvailles orchestrales – de Francesconi à son maître et mentor finissent par faire sourire… ou agacer.

Dans une configuration scénique totalement remaniée, la seconde partie du concert donnait à entendre l'œuvre phare et très emblématique de Berio, Coro (Chœur) dont le titre s'entend d'emblée comme l'aspiration à une totalité : «chœur de voix et d'instruments – chaque soliste chante assis à côté d'un instrument de même tessiture qui l'accompagne – mais aussi chœur de techniques diverses» précise le compositeur ; Berio puise à la source populaire – Indes, Pérou, Gabon, Polynésie – pour s'approprier différents modes de vocalité visant à «une anthologie des diverses manières de mettre un texte en musique». Et pour tisser une forme liant les 31 numéros de cette fresque «chorale», Berio joue sur les retours périodiques d'une phrase-clé de Pablo Neruda, Venid a ver la sangre por las calles (venez voir le sang dans les rues) aux résurgences sonores toujours nouvelles. Si les voix solistes manquent d'un rien de présence et de «grain» aux côtés de l'orchestre, réussit à nous immerger dans ce maelström de couleurs éminemment organisé, atteignant, dans cette recherche fusionnelle des voix du monde, des instants de plénitude d'une très grande émotion.

Crédit photographique : Michel Tabachnik © Britt Guns

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