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Noblesse du clavecin français au XVIIe siècle

Autant le dire toute de suite, ce disque est une merveille. Heureuse alchimie d'une musique exceptionnellement belle et envoûtante, d'un clavecin particulièrement choisi et adapté à ce répertoire, d'une interprétation à tous points de vue passionnante, gorgée de style, et d'une prise de son d'un rare équilibre et d'une présence éblouissante. Jean-Henry d'Anglebert est une figure importante dans le paysage musical français au début du XVIIe siècle, élève de Champion de Chambonnières, fondateur et formateur de la grande école de clavecin en France. Savant musicien lui-même, d'Anglebert nous instruit sur la manière d'agrémenter la musique au travers d'une célèbre table d'ornements, encore aujourd'hui largement étudiée par les clavecinistes. Bach lui-même par l'intermédiaire de Georg Böhm à Lüneburg en eu sans doute connaissance, ce qui lui fit adopter ce système pour ses propres compositions, à la différence du système Italien, assez à l'opposé. nous propose trois suites déclinant les traditionnels mouvements, avec ces chaconnes et passacailles conclusives, toujours enivrantes et si caractéristiques de ce style français, noble et grave. Le clavecin, copie d'un instrument flamand de Andreas Rückers, est idéalement utilisé ici, par un son profond, rauque parfois, en traducteur fidèle. Ces clavecins flamands s'adaptent avec bonheur à ces textes savants, parfois mélancoliques, éloignés de ce que deviendra la musique un siècle plus tard, galante, séductrice, au travers de clavecins plus brillants, volubiles, et festifs.

d'Anglebert nous lègue une œuvre de clavecin de tout premier ordre, aux côtés de ses contemporains, dont Louis Couperin, autre génie, mais avec une signature particulière : mélodiste raffiné, harmoniste unique, dont les enchaînements se repèrent et se reconnaissent très vite, et surtout une ornementation, des plus fouillées. Cet art de l'agrément se retrouve dans ses magnifiques fugues pour orgue sur le Kyrie, et nous enseignent sur la manière de jouer ses contemporains, François Roberday en particulier, qui fut son beau-frère, et qui dans ses propres fugues et caprices, nous les livra toutes nues, sans aucun tremblement ni pincé. Le jeu de est à la hauteur de cette musique, plein de noblesse, sans hâte, prenant le temps de s'arrêter sur quelques retards harmoniques, comme pour suspendre le discours un instant : rhétorique baroque bien sûr, au plus haut point exposée ici, pour le bonheur de notre cœur et des nos oreilles. Le son nous prend : Zig-Zag Territoires, a sa bonne habitude, et comme une marque de fabrique, nous offre ce qu'il y a de mieux en ce domaine. Avec le magnifique enregistrement de Scott Ross paru chez Erato, ce disque de hisse au sommet de la discographie d'Anglebert, sous le signe du « bon goût » tant revendiqué par ces musiciens.

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