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Un lion en perruque poudrée

Le présent enregistrement de la Ricercar Academy s’attache à nous faire redécouvrir certaines partitions laissées par le grand Beethoven pour des ensembles à vent, fort prisés au tournant du XIXe siècle, mais dont le répertoire est de nos jours largement méconnu. Effet de mode, très certainement.

Les œuvres choisies appartiennent toutes à la première manière du maître, c’est-à-dire qu’elles emploient un style encore résolument classique, agréable à l’écoute et donc divertissant, mais qui ne saurait soulever les foules, habitués que nous sommes aux gros effets. Rendons tout de même justice à la qualité indéniable de la musique, qui transparaît tout particulièrement dans la charmante péroraison du Rondino, sorte de révérence prolongée et hésitante, et dans la douce mélopée de l’Adagio maestoso du Quintette, resté inachevé.

Parfois affleurent quelques éléments stylistiques plus personnels, comme de surprenantes modulations ou la prémonition du fameux «motif du destin» de la Cinquième symphonie dans le Rondo final du Trio. Sinon, la curiosité de ces œuvres repose surtout dans le choix des formations instrumentales : le Trio et les Variations sont pour deux hautbois et cor anglais, ce qui crée une grande homogénéité du son, encore accentuée par la qualité du jeu des interprètes, cependant que le Sextuor est pour deux clarinettes, deux cors et deux bassons, d’où une texture assez sombre, heureusement équilibrée par la chaleur du timbre des clarinettes.

Il nous est donné d’entendre en second lieu trois sonates pour cor et piano, de Beethoven, de son élève et ami Ries, de Danzi enfin. Le choix d’interprétation sur instruments d’époque (d’origine non précisée) donne un rendu surprenant. On ne saurait rêver contraste plus flagrant, entre la délicatesse du pianoforte et la lourdeur du cor naturel. Ce dernier instrument, dont les difficultés sont maîtrisées par Claude Maury, manque parfois de justesse dans l’intonation, notamment dans l’»Andante» de la Sonate de Ries, qui fait la part belle aux graves de la tessiture.

Quant à la relation entre les deux instruments, et contrairement à ce qui nous est annoncé dans le livret, il apparaît clairement que la Sonate de Ries est une œuvre pour piano avec accompagnement de cor, un peu à la manière des premières sonates pour violoncelles de Beethoven. Sans manquer tout à fait d’intérêt, cette pièce est un collage un peu disgracieux de traits pianistiques, cependant que le cor est relégué à son rôle au sein de l’orchestre classique, c’est-à-dire de soutien harmonique et de renforcement des médiums. La Sonate de Danzi est un peu plus équilibrée de ce point de vue, mais il est drôle de constater que tous deux ne semblent s’apercevoir de la présence du cor que dans les mouvements finals, au cours desquels lui sont confiés quelques traits idiomatiques, et donc peu inventifs. Quelques bons moments émaillent ces œuvres, dont le fugato central du «Rondo» de la Sonate de Ries.

À l’opposée, la Sonate op. 17 de Beethoven est une réussite indéniable, et les interprètes sont visiblement réjouis de s’y donner la réplique, dans une atmosphère concertante et bon enfant. Pour parvenir à ce résultat, le «Titan de Bonn» a quelque peu limité ses propres épanchements pianistiques, laissant la place à un discours simple et efficace, dont on ne se lasse pas. Formellement, l’œuvre se rapproche des sonates pour piano «Waldstein» et «Les Adieux», avec une sorte d’Intermezzo en guise de mouvement lent, cependant que le Rondo, dont l’intérêt est perpétuellement renouvelé, fait penser au Finale de la Sonate pour violoncelle et piano en sol majeur – de purs bijoux !

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