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Dans le silence du désert surgit l’âme de Bach

Selon un proverbe touareg, «Dieu a crée un pays plein d'eau pour que les hommes puissent vivre et un pays sans eau pour que les hommes aient soif : il a crée le désert, un pays avec et sans eau, pour que les hommes trouvent leur âme». , en parcourant depuis de nombreuses années les déserts du monde avec son violoncelle, semble l'avoir trouvée et nous enchante dans cette rencontre insolite, et pourtant essentielle, entre l'homme et l'infini.

Nombreux sont ceux qui partagent cette fascination pour le désert. Dans une société obsédée par le temps, assommée par le bruit, l'immensité du vide remet à sa place l'orgueil humain. Les lignes pures de ses dunes, sans cesse renouvelées au gré du vent, laissent l'imagination sortir de l'étau dans lequel on l'avait enfermée.

Le spectacle est, évidemment, grandiose. Le vertige nous saisit face au silence et à cette étendue de sable. Dans cet univers désolé, arrive, tel le Petit Prince, un être vêtu de blanc. L'ombre projeté sur les roches laisse entrevoir qu'il n'est pourtant pas seul. Son violoncelle, posé parfois à même le sable, résonne en duo avec la profondeur du silence. Le thème musical est quasiment universel, les barrières du temps et de l'espace sont renversées. La chaleur de la sonorité du violoncelle répond à celle du soleil.

explique lui-même les raisons de cette recherche de solitude en endroits désertiques : «Dans le désert, je me mets à l'écoute des éléments qui m'entourent comme un souffle de vent au détour d'une dune, comme le bruit d'une pierre qui dévale une falaise, comme la présence d'un animal surpris par mes notes de musiques». Et, de fait, la résonance du son dans le désert est particulièrement impressionnante, car au bout de quelques minutes d'écoute, on ne sait plus très bien d'où provient sa source. A la fois très proche et insaisissable, par la répercussion sur les dunes et les roches escarpées, c'est toute la nature qui chante Bach. Les mouvements de danse se succèdent à mesure que les dunes changent de forme au fil des heures.

Un tel concert démontre encore et toujours le génie des compositions de Bach, qui bouleversent encore aujourd'hui, et élèvent l'âme en tous lieux, surtout en plein désert d'Algérie. Toutefois, l'interprétation livrée ici s'éloigne de celles, plus baroques, de Cocset ou Bylsma. Certes, l'instrument choisi est ancien, un violoncelle de J. Gagliano de 1754. Mais surtout, les différentes articulations, moins prononcées, deviennent presque un phrasé dans les mouvements plus rapides, ce qui ternit quelque peu le caractère dansant des Suites. De ce fait, nos yeux se posent davantage sur les dunes du désert que notre esprit sur la densité et la subtilité du texte musical.

Quoiqu'il en soit, les derniers accords de la Suite n°5 se sont éteints depuis longtemps, mais l'essence d'une telle musique demeure, et l'âme de Bach plane encore dans l'air brûlant du désert du Tassili N'Ajjer.

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