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Les Goldberg à l’orgue par Martin Schmeding : une révélation !

Ce célèbre cycle, écrit à la fin de la vie de Bach, est l’un des plus enregistrés. Les versions sont innombrables, comme si chaque interprète de niveau souhaitait laisser sa trace au travers de cette œuvre géniale.

Les versions «clavecin» abondent, bien sûr, instrument de prédilection, voulu par Bach, dont la plupart des variations sont notées «à deux claviers», pour faciliter les croisements des voix, parfois très périlleux. Plus tard ce sont les pianistes qui s’accaparèrent ces variations, tant elles convenaient miraculeusement bien à cet instrument que ne connut pourtant pas Jean-Sébastien Bach. Projection vers l’avenir, Bach est en avance, préfigurant ainsi au plus haut point l’adaptation parfaite sur Steinway moderne : témoins, quelques magnifiques visions de références, connues de tous. Pour autant, et c’était prévisible, quelques organistes risquèrent l’adaptation à l’orgue avec plus ou moins de bonheur : on sent l’œuvre moins à l’aise sur l’instrument à tuyaux, par rapport à d’autres cycles, Art de la fugue ou Offrande musicale. Jean Guillou ou Erik Feller en ont donné de belles versions, constituant une approche passionnante dans ce domaine.

Aujourd’hui nous arrive une lecture très remarquable, enregistrée sur le plus grand instrument de Gottfried Silbermann (3 claviers/ 47 jeux) existant à ce jour dans un état quasiment d’origine, sauvé de justesse par démontage, avant le bombardement du 14 Février 1945. Ce grand orgue remonté, de la cathédrale catholique (Hofkirche) de Dresde, sonne ici avec toute la «gravitât» requise et souhaitée par Bach lui-même. L’organiste utilise beaucoup de jeux graves de 16 pieds aux claviers, ce qui donne immédiatement une assise solide à l’ensemble. Chaque variation est un judicieux prétexte à nous faire entendre un mélange différent, original, se basant parfois sur des suggestions laissées par Silbermann lui-même. On se souvient de l’amitié passionnelle de Bach et Silbermann à propos de la méthode d’accord des orgues, l’un souhaitant égaliser le vieux tempérament mésotonique soutenu par le facteur d’orgue.

Ici, la question est réglée, puisque cet instrument est accordé au tempérament égal depuis longtemps. Le jeu de l’organiste est solide et puissant, nous tenant toujours en haleine grâce à une invention et une inspiration sans faille, une véritable intelligence de cette musique. La prise de son est un modèle d’équilibre dans cette vaste acoustique, surprenante, à l’opposé des petites églises au plafond de bois, où trônent encore quelques petits Silbermann de campagne. Le son reste précis et aéré à la fois, l’idéal ! Les tempi sont larges, savamment pensés en fonction de la réverbération. Le système à 5 canaux multichannels apporte, à condition de la posséder, un plus indéniable.

En résumé, une présentation pleinement convaincante d’une œuvre qui ne demandait qu’à s’épanouir dans un contexte inhabituel mais pleinement convaincant. On en oublie la transcription, le pari est gagné !

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