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Flûte et musette : du naturel avant toutes choses…

Sous la direction de , les présentent ici un éventail des plus belles suites et sonates que les compositeurs français du XVIIIe siècle ont offertes à la musette et au traverso. Instruments marqués par la rusticité de leur facture et de leur son, ils passent pour être taillés de la main même du berger. Ils sont ses compagnons de solitude, étant tour à tour l'objet de ses divertissements, ou le réceptacle de ses méditations et de ses songes naissant à l'ombre des arbres. Mais, au contact de la nature, le berger devient poète, car c'est la nature qui fait de lui un aristocrate. Elle s'instruit, l'inspire, l'invite à créer.

Riches de cette symbolique forte, qui annonce déjà un certain renouveau de la sensibilité dans l'art, les compositeurs français mettent traverso et musette au goût de la Cour. La nature y gagne en raffinement et l'instrument en virtuosité, notamment dans le Pastor Fido publié par Nicolas Chédeville sous le nom d'Antonio Vivaldi. La Deuxième suite pour flûte et basse continue de Hotteterre est un ravissement par la délicatesse de la mélodie qui permet au traverso de révéler toute l'étendue de ses nuances, palette de couleurs aussi large que sont complexes les sentiments humains, tendres et pastels, presque nostalgiques. Le potentiel d'expressivité de l'instrument est magnifié par le jeu des musiciens, à la fois subtil et naturel. Cette musicalité s'apprécie aussi dans la pièce de Couperin, dans la façon dont la flûte reproduit le chant du rossignol, voire celui de la musette elle-même.

A la surprise du profane, le même raffinement se retrouve dans le jeu de musette. Dans la Suite en sol de Chédeville, l'instrument traditionnel, très en vogue au XVIIIe siècle, se dégrossit dans la douceur de son chant et dans la finesse de ses ornements. De même, dans la Plainte d'Iphise comme dans la Sonate en trio en do majeur de Dugué, l'alliance est parfaite entre simplicité des thèmes et recherche dans la structure de l'œuvre.

En écoutant ce disque, on est frappé par la une grande conscience, dans l'interprétation, du tempo qui préserve le relief et les transitions des œuvres. Le naturel dans l'articulation et dans le phrasé, les sonorités enfantines et espiègles répandent sur cette musique un véritable vent de fraîcheur. On soulignera au passage la beauté de la pochette du disque, ainsi que la qualité du livret et de la prise de son, qui met en valeur la basse continue. En somme, les Musiciens de Saint Julien ont largement tenu le pari de rendre vivant un répertoire de musette délaissé et de ravir les amateurs de flûtes baroques.

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