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Chopin revisité et tonifié par Maria João Pires

A quoi ressemble le parfait opus chez Chopin ? Quelle est donc l'essence de ce que nous appelons, toute imagination en branle, l'interprétation idéale ? 

La multiplicité et la multiplication des enregistrements pianistiques de l'œuvre de rendent compte de sa fabuleuse richesse créatrice. De la vitalité rythmique constante à la verve mélodique inépuisable, son catalogue continue d'inspirer interprètes et auditeurs, tous mus par une étrange mais bien réelle fascination sans doute édifiée et nourrie sur des racines romantiques impérissables et exubérantes. A son tour la pianiste revient vers une nouvelle lecture inspirée d'œuvres tardives de Chopin puisque écrites entre 1844 (Sonate n° 3) et 1849 (Mazurka en fa mineur, op. 68 n° 4), année de sa disparition. De la première, en si bémol mineur, op. 58, Pires assure qu'elle est une œuvre importante à ses yeux qui «sous son apparence plus maîtrisée, est profondément chaotique : il y a une énergie qui s'élève et retombe sans cesse, comme si Chopin se souvenait de luttes passées et s'en servait pour accomplir un saut vers une autre logique. J'ai l'impression, quand je joue cette œuvre, qu'il commence par tout désintégrer avant de reconstruire». Mais que l'on se rassure, la lecture de la pianiste d'origine portugaise (née en 1944) respecte la lettre et l'esprit de la merveilleuse partition et nous guide avec un émerveillement communicatif sans jamais sacrifier au pathos larmoyant de certains.

La souffrance et la douleur qui enrobent le discours romantique mais parfois rebelle des deux Nocturnes de l'opus 62 traduisent un jeu empathique et volontaire. Nos «affinités mystérieuses» avec cette musique trouvent à vibrer en sympathie à l'écoute des Mazurkas et plus encore de la très poétique Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur avec leurs raffinements et leurs audaces harmoniques si typiques. Pires et Pavel Gomziakov défendent de façon moins convaincante, moins engagée, plus austère sans doute aussi, la Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur (mais la sonate elle-même n'en est-elle pas responsable ?) Reste une livraison inoubliable où les notes couchées sur le papier à musique par Chopin et l'expérience subjective de nous offrent un réjouissant aperçu de leurs talents et un témoignage prodigieux de leur puissante imagination respective.

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