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Le Héros et le Saint unis par la quête de l’idéal

A l'appui d'une riche documentation historique et hagiographique, l'ensemble explore le genre de L'Historia, l'Office monastique dit en l'honneur d'un Saint ou d'un personnage illustre. Cette version particulière de l'Office connut une véritable période de gloire au Moyen Age. Mais sa composition, à la fois chantée et récitée, ainsi que l'intensité dramatique qui s'en dégage, inspirent encore la fascination.

L'Historia est chantée ici pour Saint Edmund, descendant des Wylfingas, dernier roi saxon d'Angleterre. Les documents historiques apportent peu de renseignements sur la vie et la personnalité du Saint. Les recueils civils relatent, tout au plus, l'événement tragique de sa mise à mort en 870 lors de la conquête de l'Angleterre par la «grande armée païenne» danoise. L'on sait, également, à la lecture des écrits de son panégyriste, l'archidiacre Heremannus, qu'il est le premier Saint protecteur incontesté d'Angleterre. Thaumaturge et martyr, il est l'une des plus belles figures de la royauté sacrée, du mythe royal que l'on retrouve dans la majorité des pays européens au Moyen Age.

Les récits de son élection divine, de sa mort tragique, des miracles survenus sur sa tombe, se sont transmis en Angleterre de générations en générations, avec toujours plus de passion et de goût pour les épopées chevaleresques. C'est le moine français Abbon de Fleury, après avoir entendu l'Archevêque anglais Dunstan lui conter toute l'histoire avec un intense pathos, qui décide d'écrire la Passio Sancti Eadmundi. L'ensemble reprend donc les passages majeurs de ces écrits du Xe siècle pour les passages récités.

Ces passages, les lectiones, vont donner à l'Office son caractère dramatique et faire de l'Historia un Office à part dans la liturgie traditionnelle. C'est le roman de la vie et de la mort du Saint qui est exposée devant les fidèles, au cours duquel surgissent parfois des interventions à la première personne d'un ou plusieurs personnages, rendant le discours encore plus vivant. L'Office relate la vie, puis la passion, et enfin les miracles constatés après la mort du roi.

L'intensité tragique est parfaitement rendue dans l'enregistrement présenté. La prise de son, restituant toutes les nuances, donne même une dimension particulière au silence, et permet vite le recueillement. La cloche sonne, et l'on bascule déjà dans un autre espace-temps. Nimbées de mystère, les voix s'élèvent, d'abord retenues, comme laissant présager la survenue du drame. La musique est assez versatile se met au service du récit épique, qui prend presque le premier rôle dans l'Office.

Les passages récités impressionnent. La voix d'Ella de Mircovitch, grave et théâtrale, retentit dans les voûtes, avec les «roulades» que faisaient les poètes profanes de l'époque. Soutenue par les percussions, la solennité du discours se trouve décuplée. La partie consacrée à la Passion du Saint, point culminant de cette l'ascension dramatique, laisse plus de places aux instruments. Harpes, vielles, lyres s'unissent aux voix, qui, plus expressives et passionnées, s'envolent vers le Ciel. Dans la dernière partie, qui retrace les miracles, les voix chantent, dans la joie retrouvée les louanges du Saint martyr.

Ainsi, les vastes recherches effectuées par pour faire revivre l'un des joyaux de la musique médiévale a porté ses fruits. Louange à la gloire de Dieu et des hommes, l'Historia est à la fois le lieu du Sacrifice divin et la dernière scène de cette grande aventure qu'est la vie. L'ensemble la Reverdie nous offre une musique envoûtante, qui prend tout son sens et sa dimension dans de ce remarquable travail musicologique, qui ne peut que susciter l'intérêt du néophyte.

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