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Les mille violons en Maurienne

XIIIe Festival Cordes et Pics

Contrairement aux autres rendez-vous estivaux qui sont spécifiques à un genre musical, celui de Cordes et Pics « les mille violons en Maurienne » sous l'impulsion de son directeur artistique Jean-Marc Phillips-Varjabedian offre cette année des concerts allant de la chanson française au récital classique avec des artistes prestigieux et internationaux comme : le , le groupe Bratch, et les nombreux artistes qui viennent maintenant nombreux comme Alexander et , … Avec toujours, comme fil conducteur, les sonorités du violon ; durant trois semaines, du 18 juillet au 8 août, dans les villages montagnards de la vallée de la Maurienne sont proposés vingt concerts. L'investissement des maires des communes depuis maintenant treize années porte ses fruits et plus de deux mille personnes étaient aux rendez-vous hautement musicaux.

Le concert du 26 juillet fut un étonnement pour tous, Marianne Séleskovitch, soprano, a eu l'opportunité de rencontrer Robert Marcy, l'un des paroliers des Frères Jacques. L'idée lui est donc naturellement venue d'en faire un spectacle. Comme à la lecture d'un recueil de nouvelles, les mises en scène de chaque chanson réalisée par Agnès Debord, nous plonge dans un univers différent où poésie, tendresse et humour se côtoient. Le voyage auquel nous étions conviés dans le temps des souvenirs avec entre autres « les serments d'amour », « la queue du chat » et surtout « File la laine » créée en 1947 par Jacques Douai nous a agréablement surprise. En redonnant vie à ces chansons par des arrangements modernes accompagnée par Gérarld Bazin au piano et Frédéric Penas à l'accordéon Marianne Séleskovitch nous a charmée.

A l'église d'Albiez le Jeune le 29 juillet, un programme gourmand nous attendait, il nous a permis de découvrir le jeu brillant de (violon), celui d'Isvan Varga (violoncelle) ainsi que celui de (piano). Malgré une acoustique difficile à appréhender comme cela est souvent le cas dans les églises, ce premier monument de la soirée soit le Trio avec piano op.87 de Brahms est une œuvre de maturité où les difficultés ont bien été remplacées par un accord musical et amical de cette forme sonate pour trois solistes. En suivant, le Trio n°2 de Chostakovitch, œuvre très contrastée où sont exprimés les sentiments d'impuissance que peut ressentir le compositeur à cette période si noire de l'histoire en Russie, en 1942.

Concert de détente et d'humour à la station « Les Karellis » le 31 juillet avec l'ensemble : Quai N° 5, « inclassiquable ». Dans une formation originale où les percussions de et l'accordéon de Jean Luc Manca viennent prendre place naturellement aux côtés du violon de Jean-Marc Phillips-Varjabedian, du piano de et de la contrebasse chaloupée de . Qui aurait pu imaginer pouvoir danser sur le thème de Après un rêve de Fauré en tango, rebaptisé « Après un raid » ou encore « 40ème rougissante » également en tango d'après la Symphonie n°40 de Mozart ? A partir des thèmes les plus connus du répertoire classique, a composé des arrangements sur des rythmes de blues, de salsa, et même de rock ou encore de charleston. Une partie du public composée de musiciens du stage a su accompagner à « las palmas » les titres « latino » pour montrer son engouement. Pour mettre en valeur l'humour qui ne manque pas à l'originalité de ce programme, la chanteuse Juliette a parsemé des touches subtiles humoristiques par sa mise en scène. Ce concert montre que certains musiciens classiques savent divertir et s'amuser sans pour autant perdre leur charisme.

Aux frontières de la vallée de la Maurienne, le lendemain, le Festival allait pour la première fois dans la forteresse « La Redoute Marie Thérèse » à la barrière de l'Esseyon. Dans cette petite cour ronde à ciel ouvert, nous avons entendu la Sonate pour alto et piano de Glinka par Alexander Zemtsov et , ainsi que la Sonate pour violoncelle et piano op.40 de Chostakovitch interprétée par et Vahan Mardirossian, et pour terminer cette première partie de compositions russes, nous avons apprécié aussi l'arrivée Jean-Marc Phillips-Varjabedian pour le Trio op.8 toujours de Chostakovitch, écrit en 1923 ; c'est une page avant-gardiste du XXe siècle bien que très mélodieuse et délicate, on y perçoit déjà la personnalité contrastée et riche de l'auteur. La qualité acoustique du site nous a permis d'entendre toutes les nuances et toute la virtuosité phénoménale de ces artistes. Durant un entracte pour apprécier le coucher de soleil sur ce lieu magique et superbe, les commentaires fusaient avec les superlatifs les plus élogieux pour tous les artistes entendus dans cette première partie. Nous n'avons pas pu retenir notre émotion en écoutant le Quatuor pour violon, alto, violoncelle, piano en sol mineur op.25 de Brahms qui fut joué en guise de deuxième partie de programme. Le public a rendu à cet ensemble artistique une ovation d'applaudissements amenée par l'appréciation toute respectueuse et sincère du maître du violon : qui était présent dans le public pour ce concert d'exception.

Nouvelle évasion musicale ce 3 août avec l'ensemble « Bratsch » en tournée européenne venu faire une courte pause et jouer dans l'église de Saint Julien Montdenis, des nouvelles compositions ont été ajoutées avec la présence du cymbaliste Yuri Morar, invité pour cette soirée festive. Les rythmes de l'Europe de l'Est ont fait voyager le public vers d'autres plaines et d'autres montagnes aux sonorités du violon tour à tour tziganes, arméniennes, russes ou encore roumaines et bulgares.

Ce mardi 4 août nous retrouvons Jean-Marc Phillips-Varjabedian avec ses compères de prédilection « Les Wanderer », dans l'église de Montvernier, d'emblée le ton est donné et nous voici replongée dans un concert purement classique avec en introduction ; le Trio en do majeur Hob 6. XV27 de J. Haydn. Puis Tristia a été un rafraîchissement musical salutaire où a une place de choix dans les arrangements originaux de Liszt réalisés par lui même, après La lugubre gondole pour violoncelle et piano, nous retenions notre souffle par tant de beauté d'interprétation. Jean-Marc Phillips-Varjabedian a été tout aussi poignant dans son jeu stylé et racé pour les deux courtes pièces pour violon et piano Romance oubliée et Epithalain. Toutes ces oeuvres ont été une découverte pour plus d'un auditeur. Le Trio en sol mineur op.15 de Smetana devait clore cette soirée mais impossible aux Wanderer de partir sans jouer le mouvement lent du fameux trio mythique de Schubert. Le public, bien conscient de pouvoir entendre ces artistes d'exception, fut donc rassasié par un second bis époustouflant : le mouvement rapide du Trio de Mendelssohn.

Le concert de clôture du 7 août fut une apothéose, avec en première partie la famille Markov au complet, soit : Albert, Marina et Alexander pour le Concerto pour trois violons et orchestre en fa majeur de Vivaldi. C'est toujours un moment émouvant de voir cette famille de musiciens jouer ensemble, la tendre complicité émanant de leur prestation commune ne nous a pas échappée. , toujours aussi époustouflant, nous a donné un feu d'artifice de virtuosité en jouant de Tartini le fameux Trille du diable pour violon et orchestre (arr. ) ainsi que Habanera et Zapateado de pour violon et orchestre (arr. Albert Markov). Un orchestre a donc été constitué avec les professeurs et les élèves du stage pour cette soirée. Changement de style et d'ambiance pour la deuxième partie où notre soliste de la soirée se transforme en vedette de Hard Rock armé de son violon électrique à six cordes revêtu d'or fin réalisé par James Pennington et d'un archet illuminé digne de figurer dans Star War. Trois extraits du Rock concerto : « Grand Finale », « Through the doors » et « Rise Up ». En création française, cette œuvre est composée sur une structure classique avec une cadence d'improvisation pour les trois instruments solistes, violon électrique, guitare basse, batterie soutenue par un orchestre classique et un chœur. s'amuse à surprendre le public avec des jeux de lumières, de fumée et d'effets sonores de violon. L'auditoire, plus habitué a rester sage et discret, s'est transformé en un public digne des plus grande scènes de rock, la salle debout criant et réclamant un bis durant plusieurs minutes… il ne manquait que des « groupies » amassées devant la scène !

, l'un des plus grands virtuoses du violon, nous prouve à sa manière que ce n'est pas le genre musical qui doit primer, mais bien l'expression artistique du musicien. Il semble évident que le désir de , directeur artistique de ce festival les « Mille violons en Maurienne » soit accompli : la musique reste vivante et accessible à tous, avec comme fil conducteur, la diversité par la qualité. Rendez-vous pris pour l'année prochaine pour de nouvelles découvertes musicales aussi remarquables.

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