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Le catalogue de Sylvano Bussotti ? Le voici…

Compositeur et librettiste, peintre et costumier, metteur en scène et directeur de théâtre, s'est rendu célèbre dans les années 1960 par son théâtre musical scandaleux et engagé, et par ses partitions « graphiques », dans lesquelles la notation obéit à une composition picturale.

Il catalogo è questo, créé en 1980, et enrichi de 1981 à 1988, réunit des pièces orchestrales datant de diverses époques. Une valse nostalgique d'André Messager, tirée du ballet d'Isoline (1888), tisse, par ses apparitions plus ou moins fantomatiques, un lien ténu entre la plupart des morceaux.

Parmi les compositeurs de sa génération, Bussotti se distingue par un esprit d'indépendance, qui le tient à l'écart de la musique électronique, des influences extra-européennes, et du sérialisme systématique. Dans cette œuvre, le recours à l'écriture aléatoire est finalement moins perceptible qu'un travail poussé sur la Klangfarbenmelodie (mélodie des timbres). Le développement musical se fonde moins sur l'harmonie et le rythme que sur la superposition et la juxtaposition de courtes cellules, dont les métamorphoses expressionnistes rappellent la manière de Mahler, sans en atteindre ni l'éloquence, ni la puissance poétique.

La notice, due au pianiste Mauro Castellano, insiste sur le naturel secret du compositeur : « il est inutile d'expliquer ». Cela justifie sans doute l'absence des textes chantés (deux pièces font appel à la voix). L'auditeur est donc invité à percer l'obscurité de l'œuvre, dont les titres sont peut-être des fausses pistes : le troisième mouvement, Trittico, fait-il référence à Puccini, comme le confirme le titre du troisième morceau, La Fiorentinata, dont le thème grinçant pourrait évoquer la figure de Gianni Schicchi ? En faisant allusion à l'air « du catalogue » de Don Giovanni, Bussotti, le provocateur assagi, se pose-t-il en Don Juan ou en Leporello ? A moins que sa condition d'artiste ne l'oblige à jouer les deux rôles, une dimension ironique qui se manifeste aussi dans la dernière pièce, Tragico : le sérieux du texte (inspiré du Thyeste de Sénèque) est désamorcé par une caverneuse parodie de requiem, dans laquelle surgit un thème du Trouvère.

L'œuvre entière est évidemment tautologique : le catalogue des œuvres, ce sont les œuvres elles-mêmes, et pourtant leur assemblage crée une nouvelle œuvre. Telle quelle, on peut la juger vide et boursouflée, mosaïque de procédés classiques (variations sur un thème, dispositif néo-baroque de concerto grosso) et d'effets qui sont aujourd'hui des poncifs de la musique contemporaine (clusters, chants d'oiseau, clochettes tintinnabulantes, etc. ). Cela n'enlève rien à la qualité de l'interprétation, ni à celle de la prise de son, et, même si l'on a souvent l'impression d'écouter la musique d'un film dont le scénario n'existe pas, on peut se laisser porter par cet océan d'atmosphères sonores magistralement ciselées.

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