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Festive Sérénissime

Festival d'Ambronay

Monteverdi = Alessandrini. Voilà une équation qui ne sera insoluble pour personne tant semble évidente l'affinité profonde qui lie le génial crémonais (ou devrait-on dire mantouan, vénitien peut-être?) au bouillonnant chef-d'orchestre, claveciniste et organiste italien.

Depuis plus de 20 ans, n'a eu de cesse, seul ou en compagnie du , d'explorer le répertoire italien des XVIIème et XVIIIème siècles en particulier le «Grand œuvre monteverdien» dont il a donné des versions de références (chez opus 111 et Naïve). En résulte une discographie pléthorique dominée par une intégrale des Madrigali qui fait autorité encore aujourd'hui, bien que concurrencée par celle (en cours?) de à la tête de son ensemble La

Venexiana (Glossa) et des Vêpres de la vierge rayonnantes de ferveur et d'une absolue lisibilité sonore. Plus récemment un Orfeo assez discuté, pour raison musicologique mais aussi parce qu'il manquait curieusement d'âme, ne permit pas de retrouver au disque du moins le grand Alessandrini des années 90, celui d'il Combattimento ti Tancredi et Clorinda paru chez Opus 111. Aujourd'hui, combien sommes nous à attendre qu'il grave enfin sa version de l'Incorazione di Poppea? (ceux qui ont eu la chance de l'entendre à Bordeaux en sont encore émerveillés… ).

Pour le trentième anniversaire du festival d'Ambronay, et le proposaient aux auditeurs de les suivre à Venise, muse parmi les muses, afin d'assister aux Vêpres solennelles pour les fêtes de San Marco. La Sérénissme au XVIIème siècle possèdait un nombre incroyable d'églises, de chapelles et de scuole, sortes de confréries laïques qui s'occupent de bienfaisance ; toutes étaient placées sous le patronage d'un saint protecteur (Saint-Marc est le plus célèbre, ayant supplanté Théodore dans le cœur des vénitiens au IXème siècle) que l'on honorait fréquemment. Partant de ce postulat, Alessandrini a puisé dans la Selva morale e spirituale de Monteverdi (1640) et conçu une messe imaginaire qu'il a dédié à Saint-Marc. Cinq psaumes, précédés et suivis d'antiennes, un hymnus et le magnificat final, en tout une heure de musique qui passe comme un souffle.

Le résultat, musicologiquement irréprochable (la Selva contient la majeure partie des musiques composées par Monteverdi à Venise, et bon nombre consacrées aux vêpres), est, au plan de la réalisation instrumentale et vocale, de toute beauté. A Ambronay comme ailleurs, on reconnaît immédiatement la patte Alessandrini, cette manière d'empoigner la musique… en douceur, d'accuser les contrastes… avec flexibilité, d'aérer la matière sonore, d'éclairer toutes les dimensions, à la fois sacrés mais aussi festives et théâtrales de ces musiques à la poétique inépuisable. Dominé par le timbre enjôleur d'Anna Simboli, l'équipe vocale témoigne d'une rare homogénéité dans l'alliage des voix. Quant aux , il n'a rien perdu de son excellence ; une mention pour les violonistes et théorbistes dont l'accompagnement délicat, jamais insistant, contribue à la réussite de l'ensemble.

Du grand Alessandrini, assurément!

Crédit photographique : Concerto Italiano © DR

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