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Renée Fleming, la plénitude du chant

On a souvent regretté l'extrême professionnalisme de la soprano américaine synonyme de froideur interprétative. Avec ce nouvel album, peut-être que cette longue retenue artistique a permis à la soprano de se surpasser.

Dominant une technique vocale irréprochable, , dans la plénitude de son chant, livre ici un album ce que l'on peut sans doute qualifier comme le meilleur de son immense discographie.

Quelle voix, quel phrasé, quelle compréhension de la musique et du texte ! D'emblée, son « Senza mamma » de Suor Angelica place la barre très haut. Trois notes suffisent à comprendre que l'esprit du chant traverse la soprano et emplit l'espace de la musique avec une authenticité comme jamais jusqu'ici elle n'avait atteinte. S'appuyant sur la complète maîtrise de sa technique vocale, elle se lâche aux mots de cette prière sans pour autant se laisser emporter par une tristesse excessive. Ses mots sont ceux d'une mère à son enfant, d'une mère qui berce son bambin pour le détacher de la crainte de la nuit qui l'enveloppe. Entendre avec quelle intensité désespérante elle chante l'ultime note de cet air force au silence. On goûte comme un miel rare la manière avec laquelle elle domine le pianissimo progressif qui prolonge la musique dans ce silence qu'on voudrait infini. Cette première plage du disque pourrait suffire à notre bonheur et à nos émotions pourtant les agréables surprises ne manquent pas. Ecouter cette diction, ce théâtre et ces aigus dans « Ah! il suo nome! » de Lodoletta de Mascagni. Un régal.

Ce florilège d'airs d'opéras véristes fait découvrir quelques raretés bienvenues. En particulier, quelle petite merveille que ce Zazà de Leoncavallo. Ce long duo entre (Zazà) et l'enfant est touchant aux larmes. Comme est bouleversante la fin de « O mia cuna, fiorita di sogni e di melodi » du rarissime opéra Gloria de Cilea.

Sous la direction de , l'Orchestre Symphonique de Milan Giuseppe Verdi semble avoir les ailes que son récent concert genevois ne lui a pas connues. La grande forme de n'est peut-être pas étrangère à ces moments de grâce. Tout au long de cet enregistrement, outre la diversité des orchestrations, Renée Fleming est entourée de quelques autres chanteurs (parmi lesquels le ténor Jonas Kaufmann lui donnant le réplique dans La Rondine de Puccini), on se rend compte de la complexité de la réalisation d'un tel rendez-vous discographique. Quand on s'attarde à quelques détails annexes, comme celui concernant le temps passé à mettre ces airs en boîte, seulement cinq jours, on ne peut que s'incliner devant le degré exceptionnel de préparation de Renée Fleming.

En résumé : un disque à emporter sur une île déserte (pour autant qu'elle soit équipée d'une installation de haute-fidélité !)

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