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Un anniversaire au petit pied

Toulouse les Orgues

Depuis des années, le festival Toulouse les Orgues ne se contente pas de récitals en solo de l'instrument roi et sait varier les plaisirs en utilisant les tuyaux comme instrument concertant ou assurant le continuo d'oratorios baroques et classiques. D'ailleurs, le festival avait ouvert la veille à la cathédrale Saint-Étienne avec la création d'un oratorio chorégraphique pour 8 danseurs, 10 chanteurs et orgue à 4 mains/pieds avec la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, la compagnie Chantier sur des musiques d'Allegri, Palestrina, Alain, Pérotin le Grand, Scelci et Thierry Escaich, dans une chorégraphie de David Drouard. Cela fut diversement apprécié par le public toulousain qui s'est partagé entre amateurs inconditionnels et détracteurs outrés… Le chœur hambourgeois invité, se produisait également le lendemain au temple du Salin avec la chorale franco-Allemande de Toulouse pour célébrer les vingt ans de la chute du mur de Berlin.

Le programme de ce vendredi 9 octobre était plus classique ou conventionnel et le festival ne pouvait passer à côté du 250e anniversaire de la disparition de Hændel, ni du 200e de celle de , deux compositeurs majeurs du XVIIIe siècle, qui eurent nécessairement à faire avec l'orgue.

Initialement composé pour quatre voix solistes, mais pouvant être chanté par un chœur d'église «ordinaire», le premier Salve Regina de Haydn exprime la foi mariale, simple, fervente et joyeuse d'un croyant autrichien fils du peuple. La partie d'orgue est écrite de manière à pouvoir diriger la pièce en même temps et l'on suppose que Haydn l'interprétait lui-même. Plus rare que les neuf messes, cette œuvre est sans prétention, mais attachante. Peu chantée en France, elle fait partie du pain quotidien des chœurs germaniques. L'ensemble vocal Sankt Jacobi en donne une interprétation assez plate dans laquelle on sent peu la «vallée de larmes» du texte attribué à saint Bernard. On est toutefois pris par la douce consolation de l'appel «O Clemens, o pia, o dulcis».

Le Concerto pour orgue en ut majeur est vraisemblablement transcrit d'un concerto pour clavecin. Il est interprété selon une orchestration minimaliste (2 violons, 1 violoncelle, 1 contrebasse et orgue positif) sans les parties de cors, trompettes et timbales, considérées comme inauthentiques. La cohérence de cette option ultra chambriste fait qu'il est logique de l'interpréter à l'orgue positif, même si nos oreilles ont été frustrées de ne pas l'avoir entendu de façon plus étoffée sur le fameux orgue Arhend du lieu. Cette version «light» fait plus penser à une sonate «all'Epistola», accompagnant la liturgie comme cela se pratiquait couramment dans l'Autriche du XVIIIe siècle.

Le célèbre et difficile Dixit Dominus de Hændel formait le plat de résistance de la soirée. C'est un jeune homme de 22 ans, en pleine possession de ses moyens, qui composa cette vision monumentale du Psaume 109, lors de son séjour romain en 1707. Les parties solistes requièrent une haute virtuosité vocale acrobatique et les nombreux chœurs exigent une maîtrise parfaite. L'intention et le tempo adoptés par le chœur hambourgeois promettaient, mais l'ensemble tombait rapidement sur des problèmes de justesse qui lui faisait manquer de vigueur. Les solistes issus du chœur étaient à la peine dans les redoutables vocalises du diable saxon, mais les deux soprani s'en tirent avec les honneurs pour leurs trois interventions périlleuses. Le chœur a toutefois offert de beaux moments dans cette musique grandiose et il rend justice à la grande fugue de la doxologie finale. Pour sa part, le public toulousain se disait satisfait de la soirée.

Les amoureux de l'œuvre s'en retourneront aux belles versions discographiques d'Emmanuelle Haïm et son Concert d'Astrée (Virgin Classic) ou à la cohérence chorale du chœur de la radio suisse avec l'Ensemble Vanitas sous la direction de Diego Fasolis (Arts). Il n'en demeure pas moins qu'il est audacieux de proposer des œuvres aussi célèbres en concert, au risque de la comparaison et l'on reste attaché à l'émotion du concert quelle que soit la forme des interprètes ce soir-là.

crédit photographique : Rudolf Kelber © Alain Huc de Vaubert

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