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Ballet du Grand Théâtre de Genève : une Cendrillon de poésie

Pour un amateur d'opéra, assister à un ballet est une épreuve souvent courageuse.

A l'opéra, l'amateur espère voir un spectacle où un metteur en scène va lui raconter une histoire, où des chanteurs vont la lui chanter, où un décorateur va planter un décor qui, parfois même est en relation avec le lieu où se déroule l'intrigue. Caricaturalement, pour cet individu, il imagine le ballet comme un décor poussiéreux devant lequel des jeunes filles en tutu vont traverser une scène lisse de tous obstacles sur des chaussons pointus et où des jeunes hommes en collant vont faire des sauts acrobatiques. Ou alors, devant le décor d'une unique toile noire, des hommes nus qui se croisent et s'entrecroisent sans qu'on en comprenne véritablement le sens. C'est dire que lorsque tombe l'invitation pour assister au ballet Cendrillon, notre amateur d'opéra en est presque à espérer la visite de belle-maman plutôt que la soirée de danse !

Eh bien, bien lui en a pris de laisser belle-maman à la maison parce que la vision que lui a laissé de cette Cendrillon basée sur le conte de Grimm et dont Serguei Prokoviev a composé la musique l'a totalement conquis. Racontant les rêves de Cendrillon mieux que ne l'aurait fait un livre, ce ballet narratif est un véritable enchantement. Non seulement pour la chorégraphie souple, enlevée, d'où émergent des notes d'humour inattendues, ni pour la scénographie subtile et magnifique de Bruno de Lavenère, mais encore par l'enthousiasme transparaissant des danseurs qui s'en donnent à cœur joie. Néophyte, votre serviteur l'est et le reste, donc, n'attendez pas qu'il analyse le moindre geste de la danse, mais l'émerveillement de ce spectacle passe bien au-dessus de la note technique des pas et entrechats.

Les deux solistes principaux Yu Otagaki (Cendrillon) et Damiano Artale (Le Prince) sont d'une beauté amoureuse d'une rare authenticité. Pas de maniérisme dans leur duo, ils dansent l'amour avec l'authenticité de deux jeunes gens éperdument épris l'un de l'autre. Dans des gestes simples, efficaces, les doigts de Cendrillon courants, telle une petite souris, vers la main du Prince, sont autant de détails qui parsèment avec bonheur la chorégraphie poétique de . Et quel humour dans cette scène où tout le ballet, hommes et femmes confondus, se déguisent avec les atours de Cendrillon pour tenter de conquérir le Prince. La poésie de Kelemenis ne serait pas si belle si elle n'était habillée du génial décor mouvant de Bruno de Lavenère coiffant l'îlot central de la scène et ses troncs d'arbre d'un rideau perlé permettant habilement de changer les tableaux de l'intrigue sans souffrir d'aucune interruption. Jusqu'au très beau tableau de l'enlacement final des deux amants.

Dans la fosse, l' joue cette musique pour la première fois de son existence. Sous la baguette du chef suisse Philippe Béran, on est surpris par le lyrisme qui se dégage de la partition. Un apport musical qui certainement inspire tout ce spectacle. Il ne reste qu'à espérer que le Ballet du Grand Théâtre le montrera encore et encore dans leurs tournées et qu'il reviendra bientôt à l'affiche de notre scène genevoise pour enchanter le public qui lui a déjà fait un triomphe mérité.

Crédit photographique :  GTG / Vincent Lepresle

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