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La tragédie de l’écoute

Prague Philharmonia

Pourquoi le Prague Philharmonia n'est jamais invité dans une salle de concert digne de ce nom en France ? Créé en 1994 par Jiří Běhlolávek sur le modèle du Budapest Festival Orchestra d'Iván Fischer, cet orchestre est très actif dans tous les domaines : musique contemporaine, pédagogie, et bien sûr enregistrements (dont un album Dvořák / Suk sous la direction de son nouveau directeur musical Jakub Hrůša, primé dans nos colonnes). Il méritait mieux que ce concert dans une chambre d'écho où la parole a failli l'emporter sur la musique.

La Chapelle Saint-Louis de l'Ecole militaire possèderait une meilleure acoustique que Saint-Louis des Invalides, l'autre lieu de culte de l'Archevêché aux Armées. On veut bien le croire, les immenses églises parisiennes ne sont pas reconnues pour être les lieux de concerts idéaux. L'immense boite à chaussure de style néo-classique fin XVIIIe de cette chapelle ne fait pas exception : les sons tournoient et se perdent dans un maelström inaudible que vient recouvrir le moindre coup de timbale. Dommage, car les quelques bribes de ce qui nous a été donné ce soir en concert laissaient augurer du meilleur. Encore fallait-il que la musique puisse s'exprimer, même dans des conditions qui ne sont pas optimales. Une série de discours lénifiants, avant puis après l'ouverture de Don Giovanni, ont fini par achever les meilleures volontés d'écoute attentive des auditeurs, et on allongé le concert d'un bonne demi-heure.

– que Harry Halbreich dans un des trois monologues interminables de la soirée compare trop rapidement à Gustav Mahler – dirige l'ouverture du dramma giocoso de Mozart (avec la cadence ajoutée pour la version de concert) sur des tempos lents, prenant le temps de décortiquer chaque plan sonore pour mieux les mettre en valeur. Une lecture bien venue dans une telle acoustique. Lumine, pour clarinette et orchestre, pâtit en revanche de l'effet «chambre d'écho» dans ses moments les plus rythmiques. Certes, l'écriture de Mařatka hésite encore entre les influences de Stravinsky, Ligeti, l'école spectrale et le néo-classicime, mais ce curieux concerto en neuf mouvements – chacun divisés en trois parties enchaînées – mérite plus qu'un coup d'oreille, dans de meilleures conditions. On y retrouve quelques tics compositionnels déjà présents dans Le Corbeau à quatre pattes (ironie, orchestration, jeu sur les timbres, virtuosité). La partie soliste, éprouvante, est tenue à bout de bras par , dédicataire de l'œuvre à qui rien n'est épargné. Espérons une reprise dans une vraie salle de concert…

Le Concerto pour violon de Dvořák pâtit lui aussi de l'acoustique catastrophique du lieu. L'orchestration chargée, riche en cuivres et percussions, sature l'oreille à tout instant. A cela s'ajoutait une pollution sonore constante d'un public bruyant… Dommage, car est un violoniste à suivre, qui n'a pas pu démontrer l'étendue de son talent. Orchestre, solistes et chef/compositeur méritent indubitablement mieux.

Crédit photographique : © DR

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