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A avoir dans sa discothèque et à offrir

Familier des grands festivals de musique ancienne, de Saintes, notamment, nous offre ici un coffret réunissant judicieusement des enregistrements d'œuvres qui appartiennent majoritairement aux trésors de la polyphonie flamande.

Le flair au moins autant que le savoir guide vers des pièces rares dont il assure la transcription lui-même à partir d'un manuscrit ; ainsi du manuscrit de Chantilly pour le CD 2, du manuscrit chypriote conservé à Turin pour le CD 3. L'interprétation qu'il en propose se situe parmi les plus justes. Notons la clarté de la diction et l'homogénéité des voix, la recherche de la suavité, de la douceur, l'une des clefs de l'esthétique poétique et musicale du Moyen-âge et de la Renaissance et, avant tout, beaucoup d'intériorité et d'intensité dans l'exécution. Des extraits du Codex Huelgas, d'où l'ensemble tire son nom, pages si raffinés de la fin du XIIIe siècle espagnol, inaugurent la série, chantées de façon déjà très, trop (?) mesurée. Si le Livre de la Chasse de Gaston Phebus fut largement diffusé, les pièces qui célèbrent le Prince sont rarement citées alors qu'elles comptent parmi les richesses de l'Ars subtilior (ms. de Chantilly), et la ballade homophonique de Trebor, En seumeillant, d'une beauté inouïe, méritait à elle seule l'enregistrement. Les virelais et motets des lettrés français peuplant la cour du roi de Chypre furent mis en musique dans la tradition isorythmique de l'Ars Nova.

L'essentiel de cette anthologie concerne les polyphonies flamandes, non les œuvres majeures d'Ockhegem, de , de Lassus, mais celles de leurs contemporains et disciples. Ainsi d'Antoine Brumel qui succède à Obrecht à la cour de Ferrare, de Pierre de Manchicourt, préféré à Lassus pour faire partie de la fameuse «Capilla Flamenca» de Philippe II. Les deux pôles qui organisent l'expression musicale de l'époque sont bien mis en évidence, d'une part, largement représentées, la souffrance spirituelle et humaine, Lamentations, Psaumes de la Pénitence, déplorations, motif des «regrets», d'autre part la louange de Dieu, de la Vierge, du Prince et de l'aimée. Très bon choix de qui compose dans le sillage de et dont la chanson Tous les regretz sera choisie par Lassus pour une messe parodique et de , qui nous a laissé les Lamentations de Jérémie les plus profondes de toutes, et aussi des chansons portuguaises à la tristesse bouleversante. C'est à la gloire de Dieu que sont composées les plus savantes de ces polyphonies, les plus lumineuses aussi, réunies dans le CD Utopia triumphans avec un sommet : deux motets pour quarante voix distinctes, ( le nom de chaque chanteur est indiqué) celui d', Ecce beatam lucem, pour dix chœurs et quatre parties, sur lequel voulut renchérir avec le motet Spem in alium, en huit parties de cinq chœurs aux recherches sonores insurpassées, l'une des plus belles pages de la musique, de celles qui comblent l'oreille et l'âme.

Ne manquent, dans ce coffret, que les noms des instruments et des instrumentistes ( guère utilisés, avec raison, il est vrai), et surtout un texte de présentation des compositeurs et des œuvres.

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