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Yves Beaunesne tire les ficelles pour Musset…

Lorenzaccio

Musset au programme de l’opéra de Dijon, avec l’une des pièces les plus connues et les plus méconnues en même temps : Lorenzaccio. En effet, dans la version initiale, elle devait s’étaler sur trois soirées avec… cinq actes. La réduction à trois ne date que de 1896 avec Sarah Bernhardt dans le rôle-titre ! Le héros éponyme incarne vraiment l’archétype du personnage romantique tiraillé et aux aspirations contradictoires. Mathieu Genêt l’incarne avec intelligence, sensibilité et inspiration. Tour à tour touchant, drôle, désespéré, frivole, inconstant, il est très bien secondé dans sa tâche par Thomas Condemine qui campe un Alexandre de Médicis aussi dépravé que tyrannique. L’accent est mis sur leurs relations ambigües, surtout du côté de Lorenzo qui oscille entre amour et haine, plaisir des sens et sens du devoir… Son attitude laisse d’ailleurs songeurs à la fois le Hongrois, écuyer du duc (avec un inquiétant Adama Diop Giomo) et le Cardinal Cibo sous les traits d’un imposant Philippe Faure. Ce cher Cardinal qui essaiera de tirer partie de son habit ecclésiastique pour manipuler une femme infidèle de sa famille jouée par Océane Mozas, elle-aussi encore très inspirée et touchante dans son rôle de Marquise Cibo. Jeux de pouvoir et de cœur restent donc au centre de l’intrigue, éloquemment mise en scène par Yves Beaunesne que l’on retrouvera dans Rigoletto, l’année prochaine. Des trouvailles sont à noter, comme la présence de marionnettes pour renvoyer à la multitude de personnages mécontents contre leur souverain et cependant peu actifs et peu réactifs. En un mot : manipulés ! Ce souverain que Lorenzo tuera à la fin, et qui sera remplacé par Côme de Médicis, lui-même un tyran, preuve en est : le même acteur joue les deux rôles. Le concept est clair : le tyran est mort, vive le tyran ! Le tout dans des décors sobres, avec une utilisation pleine de l’espace ; en témoignent les interventions en salle de certains acteurs, présents jusque dans les galeries. Le jeu des lumières de Joël Hourbeigt doit être souligné, tant il contribue à donner une impression de changement de décors ou à renforcer les évolutions psychologiques de certains personnages. A cet égard, le rouge qui éclaire Lorenzaccio lui confère une tonalité méphistophélique. A noter également le son qui accompagne éloquemment l’action : dissonances dans des passages tendus ou encore parodie de «la danse de la fée Dragée» de Tchaïkovski entonnée de manière ludique pour faire sourire le public.

Des acteurs au ton juste, à la diction irréprochable, avec une gestuelle mesurée dans une mise en scène conceptualisée et sensible à la fois. Un beau spectacle au total pour un public ravi.

Crédit photographique : Alfred de Musset © DR

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