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L’Art de Trost, facteur d’orgue réputé de l’époque de Bach

Du vivant de Bach, quelques grands facteurs d'orgue rivalisaient de célébrité : Gottfried Silbermann tout d'abord, qui construisit les plus beaux instruments de la cour de Saxe, son élève Zacharias Hildebrandt, qui se rendit célèbre grâce à l'orgue monumental de Naumburg, et Tobias Trost, leur contemporain, qui lui aussi, se distingua par quelques constructions extraordinaires. Ce disque rend pleinement hommage à ce facteur d'orgue au travers de quatre instruments superbement conservés et restaurés. Les caractéristiques principales de ce type de facture sont en premier une construction très solide, massive, des mécaniques d'orgue à toute épreuve, lourdes en général, des orgues pas facile à manier et à mettre en mouvement. Cela nous rappelle cette remarque de Bach précisant que l'orgue n'était pas un instrument de musique fait pour les femmes. On le comprend vu la force qu'il fallait développer pour enfoncer les touches des claviers, d'une résistance parfois de plusieurs centaines de gramme par note. Trost développe un concept que l'on peut déjà qualifier de « préromantique » par une multiplication des jeux de fond de 16 et de 8 pieds, comme le perpétueront les générations futures. Beaucoup de jeux dits « gambés » vinrent enrichir les couleurs de ces orgues : les violes de gambe sont des jeux à taille étroite qui rappellent irrésistiblement l'attaque de l'archet sur la corde. Il invente aussi les jeux « empruntés », c'est-à-dire que certains jeux des claviers manuels peuvent être utilisé indépendamment au pédalier, sans l'utilisation de tirasses, ce qui augmente sensiblement les possibilités de ces orgues à partir d'un nombreux de jeux parfois réduit.

La sonorité d'ensemble de ces orgues est charpentée, assise sur des basses solides. Bach aimait la gravité (gravitat) de ces instruments. Le pédalier en effet, outre ses jeux empruntés possédait ses propres jeux dont un fameux contre basson de 32 pieds d'un effet saisissant.

, l'un des plus grand organistes actuels en Saxe, nous fait visiter quatre de ces instruments au travers d'un répertoire tout à fait adapté, celui de Bach et de ses divers élèves, continuateurs véritables de la grande tradition polyphonique allemande, non encore touchée par le nouveau style classique, à peine naissant, que développeront dès lors les propres fils de Bach. Waltershausen, dans une église circulaire rappelant un théâtre à l'Italienne dont l'orgue tient toute la scène, et l'orgue de la chapelle du château d'Altenburg sont deux spécimen uniques de l'art de cet auteur, complétés par deux autres orgues plus modestes à Grossengottern et Eisenberg, mais qui offrent un panorama complet de ce style de facture. Certains auteurs entendus dans ce disque furent étroitement liés à ces instruments puisque devint titulaire de l'orgue de la chapelle du château de Altenburg en 1756. Le programme musical est fort bien construit et panache les pièces de type concertant et profane comme les préludes et fugues ou autres fantaisies, et les chorals, plus directement liés au culte luthérien et qui permettent d'entendre quelques jeux solistes très savoureux. Un beau panorama pour découvrir ou approfondir l'art de ce grand facteur allemand, au travers d'une interprétation de grande qualité.

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