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L’orgue de Saint Sulpice dans toute sa splendeur

Une nouvelle fois, l'orgue de Saint-Sulpice à Paris est mis à contribution pour un disque consacré à la fois à des grandes œuvres du répertoire, mais aussi à quelques inédits bienvenus. Le choix de cet orgue qui est le titre même du CD s'explique ici pour deux raisons essentielles : tout d'abord, c'est le plus grand Cavaillé-Coll jamais édifié (102 jeux sur 5 claviers et pédalier) qui de plus, permettez moi l'expression est resté dans son «pur jus d'origine», ce qui est tout à fait exceptionnel, et reste l'orgue idéal pour traduire de nombreux répertoires sur plusieurs siècles. Cavaillé-Coll disait volontiers que dans cet orgue il y avait vu le passé, le présent et l'avenir. Il pensait même que cet orgue était idéal pour la musique de Bach, et finalement extraordinairement, il rejoignait la conception de Schnitger avec des gros instruments à claviers multiples avec fonds et anches de 32 pieds à la pédale, et la conception préromantique des orgues que connu Bach à la fin de sa vie. La deuxième raison pour laquelle cet orgue est si largement enregistré vient du fait que son titulaire Daniel Roth est un organiste extrêmement accueillant à sa tribune, et qu'il laisse volontiers ses claviers aux artistes qui souhaitent le jouer ou l'enregistrer. De nombreux organistes devraient d'avantage adopter une telle attitude et ne pas, comme trop souvent, fermer jalousement leur orgue.

Pour l'heure, le programme proposé ici débute et s'achève par deux œuvres très connues : la Suite gothique de Léon Boëllmann, organiste alsacien rendu célèbre par son fameux Menuet gothique et la Prière à Notre-Dame. Cette suite en quatre parties s'écoute toujours avec plaisir de même que la Fantaisie et fugue de Liszt sur le choral extrait du «Prophète» de Meyerbeer. Pour cette dernière œuvre, , organiste officiel de la reine Elisabeth II d'Angleterre, déploie tout un arsenal pour cette fresque monumentale, magnifiquement rendue sur cet instrument qui semble avoir été conçu pour elle. Nos grands romantiques français, Saint-Saëns en tête rapportaient que cette œuvre était la plus belle jamais écrite pour l'orgue. Il y a certes un peu de vrai dans ces propos : plus de 30 minutes d'une musique dense et inspirée, et registrée magnifiquement, usant des grandes masses de jeux de fonds, des ondulants du récit, et autres grands chœur d'anche du plus grand effet. La prise de son est d'un équilibre remarquable, spacieuse, profonde et avec une large dynamique. Le reste du programme nous permet de mieux nous approcher de l'œuvre d'orgue de avec sa 2° sonate en cinq mouvements, véritable symphonie pour orgue dans la lignée de Guilmant. C'est une musique accrocheuse, dans laquelle le compositeur nous amène vers des terres nouvelles et originales. Nous entendons ici une adaptation d'après la révision de Ivors Atkins. George Thalben-Ball est une figure importante de l'orgue anglais au XX° siècle : l'œuvre proposée ici, Poème et Toccata est un bel exemple d'une musique post symphonique encore bien ancrée dans la tradition. Ce compositeur fut organiste du Royal Albert Hall et de la cathédrale de Birmingham jusqu'en 1982.

Ce disque est une réussite, tant par le programme, l'orgue et le soliste. L'orgue de Saint-Sulpice reste une vedette incontournable qui n'a pas fini de nous surprendre, et de nous ravir.

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