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Leif Ove Andsnes au Palais des Beaux-Arts

Fidèle du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles depuis de nombreuses années, le pianiste offrait, au public de la capitale belge, la première européenne de son récital «conceptuel» en collaboration avec le jeune vidéaste sud-africain Robin Rhode. Présenté, en création, aux Etats-Unis, ce projet arrivait, sur le vieux continent, auréolé de commentaires dithyrambiques de nos confrères étasuniens. Il faut dire que l'idée de départ à de quoi séduire les auditoires en quête de quelques nouveautés dans le milieu étriqué du classique : un tandem artistique de prestige au service des Tableaux d'une exposition, l'œuvre la plus picturale de la littérature pour piano !

Le pedigree de Robin Rhode a tout pour plaire : formé en Afrique du Sud et vivant à Berlin, il s'inspire de «l'art de la rue» citant graffitis et utilisant les espaces publics. Quant à Leif Ove Andnes, il est l'un des pianistes les plus exigeants et stimulants du moment. Cette addition de talents devait donc agir comme un accélérateur de particules créatives ! Mais, c'est la musique et seulement la musique qui remporte au final ce match inégal.

Si Andsnes commence prudemment avec des Kinderszenen qui peuvent s'avérer plus colorées et narratives (bien que très équilibrées et finement cernées), il monte en puissance avec la belle pièce du compositeur pour exploser dans les Tableaux d'une exposition que l'on a rarement connus aussi barbares, sauvages et suggestifs. La puissance du toucher de l'artiste allié à une palette de nuances et de dynamiques sans limites imposent une lecture brûlante presque rageusement fauviste de cette pièce. A côté de ce jeu enflammé, les vidéos apparaissent trop sages et surtout incapables de susciter une émotion. Les couleurs sont dans le piano, chaque note interpelle et suggère des océans de lumières tandis que les images restent sombres et très terre-à-terre. Il ne s'agit pas de détruire le travail de l'artiste, mais seulement de reconnaître que le génie du compositeur s'avérait plus instantané, plus dramatique et plus stimulant que des vidéos. Si certaines parties attirent parfois l'attention (le ballet des touches de craies du «Marché de Limoges»), l'essentiel de travail est trop souvent facile comme ce ballet de trains dans «Byldo» ou l'immersion d'un piano dans une écluse lors de la «Grande porte de Kiev» finale…

En conclusion, il faut encore saluer la prestation de qui a, en plus, du batailler contre une trop grande partie du public bruxellois en parade de goujateries inadmissibles : sonneries de téléphones, bruits, toux intempestives…

Crédit photographique : © DR

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