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Violetta ou la mort devant les toilettes

Ça, personne ne l'aurait prédit ! , enfant terrible des scènes lyriques allemandes, grand provocateur à la Calixto Bieito, fait ses débuts à Cologne, mais le scandale n'a pas lieu. Trop sage, s'écrit un journal local. Hilsdorf à court d'idées, s'en lamente un autre.

Que s'était-il passé ? En effet, cette fois, le metteur en scène n'avait nullement cherché la provocation. Pas de sex ni de crime, mais une production professionnelle de bout en bout, misant essentiellement sur une direction d'acteur fouillée et intense. Et pourtant, transposée aux années 1950, cette Traviata n'a rien d'une interprétation soi-disant historique. Les décors érigés sur un plateau tournant, bien que monumentaux, exhalent un parfum de tristesse, de froideur aussi que même les beaux costumes ne font pas oublier. Violetta est la victime d'une société arrogante et cynique dont elle ne sait se libérer. Ainsi, elle ne meurt pas dans son lit, mais dans ce même hôtel où elle s'était amusée jour et nuit – et qu'elle ne parvient plus à quitter. Et lorsqu'elle rend l'âme en face des toilettes la société continue de valser dans la salle à côté. Même les «lieux amènes» du deuxième tableau ne sont ici qu'un rêve, matérialisé en quelques photos d'une demeure de campagne qu'Alfredo montre pendant son grand air. C'est cohérent dans un tel concept – même si texte et musique parlent un autre langage…

, jeune soprano ukrainienne, épouse à merveille la vision du metteur en scène. Voilà une Violetta comme fanée dès le début, blessée, résignée. Elle voudrait tellement croire à l'amour, mais elle n'y parvient pas. Même le finale I – sans contre-mi bémol – n'a donc rien jubilatoire. Vocalement, Mykytenko ne semble rencontrer aucune difficultés, ni dans les vocalises du première acte, ni dans les accents dramatiques du deuxième, ni dans les sons filés du dernier tableau particulièrement émouvant. A ses côtés, campe un Alfredo très engagé. Bon acteur, chanteur extrêmement nuancé couronnant sa cabalette d'un contre-ut bien placé, nous lui souhaiterions seulement une émission plus égale dans la zone du passage et un timbre plus charmeur. Germont père – particulièrement désagréable en cette production – est interprété par un vétéran : , fidèle troupier du Staatsoper de Vienne pendant plus de 30 ans. Si le timbre accuse désormais quelques raideurs, la voix est toujours saine, le phrasé élégant et l'aigu d'une facilité étonnante, permettant à Tichy de clôturer le deuxième tableau par un si-bémol digne d'un Heldentenor.

Dommage que pour cette distribution homogène et valable on n'eût pas trouvé un chef plus rompu à la musicalité verdienne, sachant obtenir un son moins teutonique (les cuivres !) d'un Gürzenich-Orchester pourtant techniquement très valable. Certes, après un premier acte bruyant et souvent désordonné, les choses s'améliorent quelque peu et la pâte orchestrale se fait plus souple, mais la lecture de manque toujours de flexibilité, de rubato, d'élégance aussi. Le public cependant ne lui en veut pas l'incluant à la fin dans les applaudissements très chaleureux.

Crédit photographique : (Violetta Valery) et (Giorgio Germont) © Opernhaus Köln

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