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Igor Markevitch dirige des ouvertures de Beethoven

L'Orchestre des Concerts Lamoureux n'est peut être pas le plus prestigieux des orchestres français en activité, mais il est l'un des plus anciens et son passé ne manque pas d'heures de gloire.

Créateur de nombreuses œuvres symphoniques françaises (dont Debussy et Ravel pour ne citer que les plus célèbres), il n'en était pas moins à ses débuts, un propagateur de l'art de Richard Wagner, cheval de bataille de son créateur Charles Lamoureux. Plus près de nous, la période qui vit patron de l'orchestre entre 1957 et 1961, reste sans doute, pardon pour ses successeurs, la plus glorieuse de l'ère moderne. Et c'est justement de cette période que sont extraites ces six ouvertures de Beethoven, enregistrées en studio en 1958, et dont, nous dit la pochette, Egmont serait un inédit.

On ne sait quel effet procuraient aux auditeurs de l'époque de leur enregistrement ces Ouvertures ainsi jouées, si elles leur paraissaient classiques ou modernes, mais l'auditeur du début du XXIe siècle aura l'impression, par ce style vif et alerte, qu'elles sont en plein dans la mode actuelle, relativisant une fois de plus les prétendues découvertes interprétatives des nouveaux gourous de la baguette. On peut s'en rendre compte dès les trente premières secondes de cet album avec le célèbre début de Coriolan où les accords ff sont joués de façon assez égale et métronomique avant que l'Allegro con brio proprement dit démarre sur les chapeaux de roues dans un tempo en complète rupture avec ce qui précède, et qui ne devrait idéalement être atteint qu'un peu plus tard au cœur de l'Allegro (mais comme ce n'est pas explicitement marqué …). Ici le tempo de base, d'ailleurs très bon, est donné dès le départ, retirant à l'interprétation son caractère d'organisme vivant, palpitant plus ou moins fort en fonction de l'expression voulue, progressant sans cesse jusqu'à son sommet ou se désagrégeant progressivement jusqu'à son extinction, une des facettes de l'art de Beethoven. On reconnait là une façon de faire assez proche de la mode actuelle favorisant les contrastes abrupts plutôt qu'une progression organique. Mais Markevitch, qui était un grand chef, a l'intelligence de ne pas trop appuyer sur ces contrastes, l'exemple de ce début de Coriolan étant nettement le plus marqué de tout ce CD. Et si, comme on l'a dit, il arrive très vite sur le tempo de base et n'en varie quasiment plus, au moins le choisit-il toujours assez vif mais avec un gout très sûr qui jamais ne semble brutaliser le texte, ni trop son orchestre qui s'en sort très bien et dont la qualité d'ensemble et l'engagement en surprendront plus d'un en écoute aveugle. Ainsi son interprétation apparait toujours assez agréable, vigoureuse, refusant toute dramatisation du texte, et somme toute aujourd'hui plutôt classique dans son avancée rectiligne entre la première et la dernière note de chaque ouverture. Dans cette optique «musique pure», c'est assez exemplaire. En contrepartie on ne ressent pas vraiment l'aspect poème symphonique de ces pièces (hors les opus 115 et 124 qui n'ont par nature aucun caractère épique) mettant en valeur la dramaturgie sous-jacente à ces ouvertures avec ces extraordinaires moments de suspens que Beethoven a littéralement inventés (dans Leonore et Fidelio par exemple), absents dans cette conception de 1958.

Les prises de son ne sont pas égales, certaines franchement stéréo, d'autres quasi mono, Egmont souffrant de quelques désagréables saturations pratiquement absentes ailleurs. La notice n'est pas d'un grand secours, ne donnant aucune indication sur les œuvres, les interprètes ou les conditions d'enregistrement.

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