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Hors des entiers battus

Voici déjà le troisième enregistrement du Trio Voix Liées, créé en 2001 par trois jeunes artistes passionnées par la mélodie française du XIXe siècle. Cette fidélité ne se dément pas, pas plus que la volonté du trio de sortir des sentiers battus en offrant à notre écoute des pièces rares, voire inédites.

Disons-le d'entrée, ce nouveau témoignage confirme les atouts et les limites relevés lors de la parution de Viens… Nous sommes en effet en présence deux cantatrices qui n'ont pas encore capitalisé toute l'assise technique nécessaire à l'art exigeant qu'est celui de la mélodie, un exercice d'intimité qui requiert une précision de tous les instants. En revanche, la fusion des voix s'opère avec beaucoup de naturel, le souci du texte est permanent, et les intentions musicales des plus louables. De plus, la pianiste excelle à créer des atmosphères avec un toucher précis, du moins lorsque le compositeur lui en offre l'opportunité… Il faut en effet admettre que les mélodies et airs proposés sont d'un intérêt très variable et que la cohabitation de deux répertoires, celui de la mélodie et celui de l'opérette peut désarçonner, lorsque nous passons sans transition du recueillement de Sainte Madeleine de Chaminade à la fantaisie du trio de Ta Bouche d'Yvain.

Le programme comporte certaines pièces dont l'intérêt est purement documentaire, tant Paladhile traduit paresseusement la délicatesse du poème Au bord de l'eau de Sully-Prudhomme, tant les espagnolades de lorgnent sans subtilité vers Carmen, tant enfin les mélodies de Gretchaninov – élève et protégé de Rimski-Korsakov – manquent de chair derrière leur joliesse apparente. De même, le piano de reste placide à l'énoncé des fracas et sentencieux à l'évocation du silence.

Nous retiendrons en revanche la délicatesse des Nymphes des bois de Bizet (sur un poème de Jules Barbier), et surtout ce qui constitue le plat de résistance de cet enregistrement : trois parmi les quelques cent-cinquante mélodies composées par , toutes trois inspirées par le Nouveau Testament. Les Pêcheurs conjuguent raffinement et expressivité, et nous emportent du doux balancement d'une mer d'huile au roulement de la tempête. L'épisode des Petits enfants est tout aussi évocateur et d'une séduction non moins immédiate, tandis que Sainte Madeleine est une véritable scène biblique en miniature. Le volet opérette, consacré à des ouvrages qui nous sont connus, n'apporte pas de révélation mais confirme la rare poésie du duo nocturne de Madame Chrysanthème de Messager.

Dans l'ensemble, cet enregistrement, parfois caressant et parfois désappointant, marque un nouveau jalon dans la progression de ce trio attachant ainsi que l'occasion de se pencher sur des pages peu explorées, ce qui reste toujours un plaisir.

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