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De la belle routine, sérieuse et sobre

En cette année du centenaire des Ballets russes, aurait bien pu nous offrir un programme cent pour cent russe, à défaut de musique de ballet, mais il a préféré insérer le Concerto pour violoncelle n°1 de Saint-Saëns entre L'Oiseau de feu de Stravinsky et la Symphonie n°5 de Chostakovitch. Mélange un peu curieux au premier abord, mais comme il fit appel à la violoncelliste , native de Novossibirsk et lauréate du premier concours Rostropovitch en 2001, la cohérence russe du programme était sauve.

C'est donc la suite en cinq mouvements extraite de L'Oiseau de feu qui ouvrit le feu dans un pianissimo normalement mystérieux malheureusement gâché par un perturbant brouhaha venant de spectateurs indisciplinés, qui mit bien encore une à deux minutes pour s'éteindre. Dommage car le National faisant preuve d'une belle attention collective semblait sur de bonnes bases pour commencer cette Danse de l'Oiseau de feu. La suite montra que l'orchestre, plutôt en forme ce soir, pouvait pousser l'intensité sonore sans rompre l'équilibre entre les pupitres sur lequel le chef italien, malgré ses allures robustes, semble veiller avec soin. D'ailleurs c'est un sentiment de confort et de sécurité que nous ressentîmes à l'écoute de cette suite exécutée sans dérapage mais comme souvent en pareil cas, sans cette prise de risque qui donne le frison. Ainsi la Danse infernale bien que prise dans un tempo correct nous a semblés rester légèrement sur la réserve, la géniale écriture de Stravinsky faisant passer constamment la phrase d'un groupe d'instruments à un autre sans la moindre rupture et dans une progression diabolique constante ne nous a pas sautés aux oreilles. En revanche la progression du finale, plus linéaire et moins exigeante en virtuosité d'ensemble était impeccable.

Que les admirateurs de Saint-Saëns nous pardonnent mais son Concerto pour violoncelle et orchestre n°1 ne nous parait pas du même niveau que le reste du programme, pas tant pour sa partie soliste qui permit à de grands violoncellistes de capter l'attention de l'auditeur (on pense à Casals ou Fournier par exemple) que pour un accompagnement symphonique assez banal, et une trame mélodique plutôt simple qui ne décolle jamais vraiment. C'est donc pour nous avant tout le jeu du soliste qui fait tout l'attrait de cette œuvre et c'est avec intérêt que nous attendions la prestation d'une jeune artiste et son Stradivarius, encore inconnue de nous avant ce concert. Semblant faire sienne la conception plus rigoureuse qu'inventive que Gatti suivit dans L'Oiseau de feu et dont il ne dévia pas d'un pouce dans le concerto, joua avec une sobriété de ton qui rappelle certainement plus Fournier que Rostropovitch. Ainsi cette œuvre d'inspiration romantique, aux accents parfois tchaïkovskiens sous certains archets, ne tomba jamais dans le pathos. Ce qui n'était pas pour nous déplaire, et si nous devions faire un petit reproche au jeu de Vassiljeva ce serait peut être un jeu un peu lisse. Le bis fut le moins original qui soit puisque Vassiljeva joua le Prélude de la suite n°1 de Bach, mais comme elle vient juste de publier l'intégrale de ses suites chez Mirare on lui pardonne, d'autant qu'elle s'est prêtée avec gentillesse et sourire à la séance de dédicace à l'entracte.

Le concert se finit avec Chostakovitch sur les mêmes – bonnes – bases qui l'avait vu commencer avec Stravinski, avec sans doute un peu plus d'implication du chef peut être plus inspiré ici dans le choix des phrasés moins neutres et des contrastes plus marqués qui firent que, globalement, cette interprétation de la Symphonie n°5 nous a semblé le meilleur moment du concert, culminant dans un final rageur parfaitement réussi. Certes, si on pousse le curseur du niveau d'exigence à fond ce concert ne sera pas classé au sommet, mais pour un concert d'abonnement, donc de «routine», c'était de la belle routine.

Crédit photographique : Tatiana Vassiljeva © Felix Brœde

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