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Ensor, Ligeti et l’Intercontemporain au Musée d’Orsay

Après la soirée Kagel du 8 décembre confrontant l'univers singulier du compositeur argentin à celui du peintre belge James Ensor (exposition à voir dans les galeries du Musée d'Orsay jusqu'au 4 février prochain), les solistes de l' revenaient sur la scène de l'Auditorium pour brosser cette fois un portrait de dont l'itinéraire fascinant ne se dépare jamais d'un humour révélateur. Des Six Bagatelles de jeunesse (1953) au Trio pour violon, cor et piano (1982), les interprètes laissaient percevoir cette avancée permanente de la pensée compositionnelle chez un musicien dont la devise était la suivante : «Prima la musica, dopo la regola».

Si les six Bagatelles remontent aux années hongroises du compositeur encore sous l'influence de Bartók et de Stravinsky, elles relèvent entièrement de la manière ligetienne au regard du timbre, des combinaisons rythmiques et de la finesse de leurs contours. Les solistes de l'Intercontemporain les parent d'un éclat et d'une fraîcheur irrésistibles, détaillant avec une virtuosité incomparable toutes les «saveurs» de la palette sonore. Sollicitant le mêle effectif, les Dix Pièces pour quintette à vent (1968) écrites pour les solistes de la Philharmonie de Stockholm sont d'une écriture plus personnalisée et signalent l'évolution qu'opère Ligeti dans le traitement de la polyphonie et du rythme après les grands ensembles orchestraux d'Atmosphères et Lontano. Les dix numéros font alterner des pièces d'ensemble et des pièces semblables à des concertos de solistes en miniature : une manière chère à Ligeti d'exercer sa fascination pour le timbre – assumée avec quelle grâce par les cinq solistes! – exigeant du hautboïste (merveilleux ) de passer du cor anglais au hautbois d'amour puis au hautbois, sollicitant même le talent scénique des interprètes – et s'y entendent à merveille – pour le trait d'humour final!

Hommage direct à James Ensor qui s'inspire lui-même de l'univers de Michel de Ghelderode, les turbulences de Mysteries of the Macabre nous parvenaient dans l'arrangement peu convaincant pour trompette et piano d'Elgar Howarth ; cet épisode de l'opéra Le Grand Macabre réclamant tout à la fois virtuosité instrumentale et participation verbale des instrumentistes fait regretter la version originale de Ligeti pour voix et orchestre. Il était précédé de deux études pour piano baignées d'un climat poétique et évanescent, Arc-en-ciel et En suspens, interprétées par avec la délicatesse de toucher qui le caractérise.

Le concert s'achevait par la pièce maîtresse du programme. Le Trio pour violon, cor et piano écrit en 1978 est un hommage à Brahms mais «une musique de notre temps» précise le compositeur. Redoutable par son exigence rythmique et la singularité de son écriture, l'œuvre en quatre mouvements explore de manière très originale les configurations sonores liant les trois timbres de manière aussi étrange que poétique. Elle culmine avec le Lamento final, une pièce d'une grande intensité émotive à laquelle les trois interprètes admirablement concentrés conféraient une dimension quasi sacrée.

Crédit photpgraphique : © Kimmo Mántilá

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