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Le Nozze di Figaro à Rouen, une bouffe raffinée

 Après un Barbier de Séville intéressant mais inachevé, les Nozze di Figaro s'imposent comme la clé de voûte de la trilogie Beaumarchais proposée par l'opéra de Rouen.

Esthétiquement d'abord car l'originalité de la production passe par le décor. Cadres, portes, fenêtres et accessoires mobiles sont utilisés avec plus de faste encore que dans le Barbier. On joue sur les dimensions ostentatoires, le détail luxueux, le vide et la lumière, et on plonge le spectateur dans une toile de ou un clair- obscur du Caravage. Les costumes sont évocateurs (suite du Barbier) et très soignés. Quelques très beaux tableaux émergent de cette version, dignes des plus grandes maisons, mais qui, souvent, n'auront été exploités qu'à moitié.

Musicalement, ensuite. La distribution est excellente et haute en couleur : chaque chanteur a la voix et la présence scénique de l'emploi. Une hétérogénéité certaine de timbres et d'approches n'a pas desservi cette production. , excellent Almaviva, ajoute à son personnage le ridicule surfait de la «bouffa» à travers de ses affinités rossiniennes et ses grandes facilités vocales. L'argentin , lui, donne à Figaro une humanité et, par sa voix sombre de basse, une bonhommie touchante. campe avec classe une Suzanna brillante et délicieuse tandis que la canadienne Gylène Girard apporte à la Comtesse une retenue désarmante. «Dove sono i bei momenti» est un des «moments vérités» les plus réussis de cette version avec «Voi che sapete» du Cherubino émotif et tendrement lascif de et l'»Ho perduta» de Barbarina, l'innocence faite femme, par Violaine le Chenadec…

Bien mieux travaillée que dans le Barbier, la direction d'acteurs n'a pourtant pas réussi à aller jusqu'au bout de ses ambitions ni du potentiel de chaque chanteur. Le jeu est plaisant mais la «buffa» ne fonctionne vraiment que dans le dernier acte et le tragique reste mésestimé. Des passages tels que le viol de Barbarina, le comte et la comtesse pris en otage par leurs gens, sont autant de références bien trop forcées.

L'ouverture augurait d'une vision raffinée avec son tempo serein mais empressé. Son phrasé modelé avec douceur. La suite ne l'a pas contredite. Tout particulièrement par la qualité des vents, des soli et l'homogénéité du style. Mais la direction, à tendance autoritaire, n'écoute pas assez les voix, leur impose des tempi et, le décor surélevé aidant, favorise les décalages.

Avec ou sans lacunes, c'est une production de haute tenue si bien que son installation à Versailles (28 et 30 mars) ne devrait pas passer inaperçue.

Crédit photographique : (Almaviva) et (Suzanna) ; (Suzanna) et (Figaro) © Jean Pouget

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