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La tornade Rojdestvensky

Né en 1931, Guennadi Rojdestvensky reste la dernière légende russe des podiums ; un chef charismatique et tempérament d’acier dans la lignée des Golovanov, Svetlanov, Gauk… Chef de nombreux orchestres à travers le monde, il possède un répertoire absolument immense que reflètent près de 400 enregistrements. Grand connaisseur des musiques russes, sa curiosité insatiable le conduit à s’emparer de partitions de Bruckner, Mahler, Nielsen, Berwald, Elgar, Vaughan-Williams, Walton… Ami des compositeurs, il a imposé au répertoire les pièces de toute une génération de créateurs : Gubaidulina, Kancheli, Lokshin, Pärt, Schnittke…

Dans sa série consacrée aux enregistrements publics des artistes de l’époque soviétiques, Brilliant nous propose quelques bandes de concerts. La lecture du programme donne le vertige devant les choix du chef qui dirige autant ses contemporains qu’une ouverture du bien méprisé Adolphe Adam…Mais au sommet de ce coffret, il faut placer des symphonies de Chostakovitch exceptionnelles. Si le chef était déjà l’auteur d’une excellente intégrale (diffusée un temps chez Melodiya), capté en concert, l’artiste arrive a un degré d’inspiration qui galvanise les musiciens. Dans les symphonies n°4 et n°10, ils semblent presque jouer leur vie, constamment sur le fil et attentifs à une direction tellurique. Certains dérapages sont inévitables, mais la puissance de concentration et l’impact des pupitres dégagent une force à la fois dramatique et surhumaine. Dans ces deux partitions, la machine orchestrale semble fondre en un brasier incandescent ! Prise dans une optique ultra-symphonique, la symphonie n°9 sonne avec la grande épique que ne renie pas la célèbre symphonie n°7 «Leningrad». Toutes les «miettes» de Chostakovitch sont cernées avec passion : autant les pièces pompeuses et de circonstance (comme l’ouverture festive) que les chefs d’œuvres comme la suite sur des poèmes de Michel Ange. Par rapport à ce déluge émotionnel, les autres partitions soviétiques paraissent timorées et souvent impersonnelles, en dépit de la passion qui anime le chef et ses solistes.

Du côté du grand répertoire, il va de soi que les orchestres moscovites n’ont pas le galbe, ni la finesse d’autres grandes formations mondiales. Les cordes et les vents sont ainsi très revêches dans la symphonie n°2 de Dvorak. Curieusement, bien avant la révolution des Harnoncourt et Gardiner, Guennadi Rojdestvensky s’efforce de faire sonner Haydn et Mozart avec vigueur et style, même si les chanteurs sont impossibles pour nos oreilles contemporaines.

Un portait, certes inégal, mais les acheteurs ne seront pas déçus par des Chostakovitch d’anthologie.

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