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Faust de Philippe Fénelon : la Terre est un pays de nostalgie

S'inspirant d'un Faust en quête d'infinitude, l'œuvre de Fénelon exprime les contradictions de l'être, ses rêves et désirs qui mènent à la recherche constante d'un ailleurs.

Malgré le rappel à son antécédent historique, la comparaison entre ce drame poétique en plusieurs tableaux et la tradition ne serait pas vraiment pertinente et se révélerait en plus stérile. Car ce Faust ne s'inspire pas directement du «mythe» de Gœthe mais de la version postérieure de Lenau. Il en dessine un profil plus austère et sévère à travers le parcours tortueux de la connaissance futile, de la conquête amoureuse, de l'élan mystique, qui traduit la recherche perpétuelle d'infini.

La vanité de l'homme, son narcissisme inné est représenté par une scénographie de miroirs qui multiplient les présences sur scène et élargissent l'espace. Au milieu, le symbole de la mort : un crane qui annonce dès le début l'échec final de Faust. La musique avec ses dissonances et citations multiples exprime la lourdeur des fantasmes «mortifères» du personnage à travers différentes techniques d'écriture allant du contrepoint à la polyphonie. Les protagonistes font épreuve d'une bonne maitrise vocale du parlé-chanté qui s'aventure dans le véritable chant lorsque le féminin représenté par Annette et incarné par une extraordinaire fait son entrée sur scène. La sensualité et le désir trouvent alors une correspondance exemplaire dans les mouvements de la musique qui monte vertigineusement dans le registre aigu. Ses nombreux glissandos, notes en staccato et suraigus très proches du cri sont l'expression profonde du drame amoureux, éphémère moment de volupté auquel Faust ne sait pas renoncer. Très convaincant est l'interprétation d' qui nous présente un personnage sévère et pédant en opposition à l'ironie et au sarcasme infernal de Méphistophélès-.

Parmi les tableaux les plus remarquables, le troisième nommé «La danse» qui célèbre une fête de noce et le sixième, «La tempête» qui emporte et anéanti tous les rêves et espoirs de Faust. La scène est comble mais les présences humaines ne sont plus que des fantasmes errants à travers «les vastes mers». La terre est seulement «un pays de nostalgie» pour le protagoniste de ce drame existentiel. Le Lacrimosa final avec le son de l'orgue et des cloches, interprété par l'orchestre avec un grand pathos est la bande sonore idéale pour sa descente aux enfers accompagné par un chœur d'anges noirs.

Crédit photographique : © (Faust) & (le Moine) ; © Mirco Magliocca / Opéra National de Paris

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