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Quatrième de Mahler par Gergiev, un coup pour rien

Lorsque nous avions eu à chroniquer la symphonie précédente par les mêmes interprètes, donc la Troisième enregistrée en septembre 2007, nous avions remarqué qu'elle commençait formidablement bien pour se poursuivre et se terminer dans l'indifférence et le manque d'inspiration. Pour cet enregistrement réalisé à peine quatre mois plus tard de la Symphonie n°4 aux climats bien différents de son ainée, allions nous retrouver le enthousiasmant du Kräftig de la n°3 ou celui, qu'on nous pardonne (!), « barbant » du reste de la symphonie ? Et bien à notre grand regret, cette Quatrième s'est montrée dans la parfaite continuité de la fin de la Troisième, c'est-à-dire à oublier.

On y retrouve en effet une direction laborieuse et aussi peu inspirée que possible, qui plus est, ne respectant qu'à peine les multiples indications de Mahler. A-t-on là typiquement une exécution insuffisamment réfléchie, préparée et répétée, publiée par pure routine par le label LSO Live qui archive ainsi quasiment tous les concerts du LSO, on peut légitimement se le demander. Si on veut essayer de sauver l'affaire on dira que nos avons là une lecture extrême sans nuance ni émotion, où tout aspect poétique a disparu au profit d'une dramatisation et d'une urgence permanente du discours. Oui… bon … pourquoi pas, mais outre que c'est un angle d'attaque très réducteur en regard de la richesse de cette partition, ça ne nous est jamais paru comme très adéquat non plus. Et pas franchement réussi pour cette fois. Où, comme par hasard, cette impression subjective de lecture peu inspirée est corroborée par de trop nombreuses entorses au texte même de la partition. En voici juste quelques exemples pour le lecteur perfectionniste. Tout d'abord, mais comme beaucoup d'interprètes aujourd'hui, Gergiev ne joue pas le jeu des nombreux portanemti ou glisssandi, comme s'il était devenu vulgaire ou pestiféré, on se sait, que de jouer ainsi. Ecoutons l'exemplaire Mengelberg qui y va a fond, mais avec quel talent, et il n'y a aucune vulgarité dans son jeu. Certes il faut savoir le faire, peut-être les chefs actuels, et les orchestres, ne le savent plus et dans ce cas, par prudence, préfèrent y renoncer, mais c'est bien dommage. Cela retire une partie du caractère du début de la symphonie avec sa fameuse entrée des premiers violons tellement caractéristique. Et lorsque peu après, les violoncelles prennent la ligne de chant sur des pizz des contrebasses, le chef reste trop neutre et ne fait pas sentir le espressivo indiqué. On pourra être surpris d'entendre (vers 6'30) les flutes fortissimo alors qu'un simple forte est écrit, donnant en plus la sensation de presser le pas alors qu'explicitement demandé sans hâte. Ce n'est pas non plus dans cette version qu'on ressentira la progression organique du second mouvement, dont le sommet (vers 6'50, indiqué Sich noch mehr ausbreitend) non seulement ne transmet aucun frisson mais tombe comme un cheveu sur la soupe alors que tout ce qui précède devrait l'avoir préparé. C'est un peu comme ça tout du long, avec un Ruhevoll sans tension ni passion, et un final qui ne trouve pas vraiment le chemin de l'émotion, oubliant la simplicité de mise ici, balançant entre lenteur et précipitation. Renforçant décidément l'impression, peut-être fausse, que les musiciens sont entrain de déchiffrer mais surement pas entrain de construire une interprétation. Occasion ratée.

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