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Bruno Maderna, sériel mais sensuel ?

Compagnon de route de Pierre Boulez et de Luigi Nono lors de leurs expérimentations radicales des années 1950-1960, fut surtout un infatigable défenseur de la musique contemporaine en tant que chef d'orchestre. Son décès précoce, sa carrière plus centrée sur les podiums et la fin du dogme dodécaphonique n'ont pas contribué à préserver la mémoire de ce créateur pourtant historiquement majeur.

Sa mémoire ne subsiste que par ses trois concertos pour hautbois et orchestre, des piliers de l'instrument, et par une œuvre de Pierre Boulez qui lui est dédiée : Rituel «In memoriam Maderna», que le compositeur français composa suite au décès de son ami.

C'est donc avec bienveillance que le commentateur accueille des deux premiers volumes de son œuvre pour orchestre édités par l'excellent label allemand Neos. L'équipe artistique : le chef et l'orchestre de la radio de Francfort composent un team de haut vol, rompu aux plus redoutables musiques contemporaines.

Ces deux albums, agencés avec sens de l'intérêt éditorial nous emmènent de manière chronologique à travers l'évolution artistique du créateur. Le tome n°1 est un voyage, entre 1948 et 1953, sur les traces d'un artiste qui cherche sa voie entre l'héritage du passé et le sérialisme intégral naissant. L' amour des timbres de l'orchestre est une constante chez Maderna qui agence des alliages à la fois ondoyants et lumineux même si la forme est parfois étirée et laisse l'impression d'un temps suspendu planant dans l'espace sonore. Construites avec un art passionné d'artisan méticuleux : Composizione n°1 et n°2 et Improvvisazione n°1 et n°2 sonnent comme des brumes orchestrales éthérée où l'oreille se repère, dans une structure très élaborée, grâce à des réminiscences de thèmes ou de danses.

Les partitions des années 1954-1966, au cœur du volume n°2, poursuivent avec ce soin esthétique et sonore, moins aride que d'autres œuvres de l'époque, mais avec toujours une forme savante. Le concerto pour flûte et orchestre de 1954 est une parfaite illustration d'une œuvre, encadrée par un corps structurel rigide mais qui vise l'intégration de l'instrument soliste à la masse orchestrale plutôt que le choc et l'opposition.

Les interprètes sont engagés et foncent tête baissée dans cette aventure et la prise de son rend toutes les facettes sonores de ce langage.

L'initiative du label Neos est à thésauriser pour sa cohérence éditoriale et pour un fini technique qui donne une nouvelle chance à un compositeur attachant.

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