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Genoveva à Paris : les malheurs de Geneviève de Brabant

Mythe fondateur de A la Recherche du Temps perdu, inspiration de Satie et d'Offenbach, Geneviève de Brabant n'a pas porté chance à Schumann.

Le livret, qui lui a coûté tant d'efforts, a toujours été considéré comme indigne, bien qu'il exploite assez efficacement la légende pour ménager des situations dramatiques. L'œuvre n'a jamais été en faveur sur les scènes, victime de diverses avanies, notamment la concurrence immédiate de Lohengrin et un article assassin de George Bernard Shaw. C'est d'ailleurs une version de concert que propose aujourd'hui la salle Pleyel. Jun Märkl sert la partition avec beaucoup d'énergie, et parfois un peu trop de vigueur, comme pour contrer définitivement l'accusation de nullité dramatique. Malgré des raideurs et des couleurs uniformes, surtout chez les bois, l' répond avec précision aux sollicitations du chef, qui met bien en valeur la richesse du tissu orchestral et la force des atmosphères, comme le pittoresque qui accompagne la sorcière Margaretha. Les scènes d'affrontements et les finales sont réussis, tout comme les superbes interventions du Chœur de l'Orchestre de Paris, clair et sonore.

Le timbre argenté et la technique hors pair d' font de chaque intervention de Genoveva un moment de pure beauté vocale et de chant en suspension. L'expression, toute d'innocence et de chasteté, est un peu univoque, mais c'est après tout l'essence du personnage. Dommage que la diction soit relativement relâchée, ce que révèle particulièrement la chanson qu'elle partage avec Golo. De ce rôle-ci, incontestablement le plus difficile, Matthias Klink se tire bien : son chant malaisé (timbre guttural, acide dans l'aigu et faible dans le grave) sert plutôt bien le caractère hésitant et introverti du personnage. Avec des moyens tout aussi singuliers, Matthias Gœrne réussit à faire du Comte Siegfried, figure un peu fruste, un être subtil et poétique. Son air du troisième acte est mémorable, détaillé comme un lied, et le désespoir qui le saisit ensuite bouleverse. En Margaretha, Birgit Remmert joue d'une présence imposante pour compenser la lourdeur et l'imprécision de son chant, plus surveillé dans sa scène du troisième acte. Dans les rôles secondaires, Gun-Wok Lee et Jae-Hyong Kim sont plus intéressants que le solide Markus Marquardt. Heureusement, les défauts individuels ne dissipent pas l'impression d'un très bon niveau global, appréciable pour une œuvre qui mérite mieux que le purgatoire.

Crédit photographique : © Johana Peine

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